20 Minutes (Bordeaux)

«On se déplace pour ceux qui ne peuvent pas être là»

Les malades du Mediator se sont déplacés en nombre à Paris pour assister à l’ouverture du procès

- Vincent Vantighem

Assise sur un plot en béton du parvis du tribunal, Brigitte enlève le papier aluminium qui enserre le sandwich préparé le matin même. « On est partis à 8 h », indique-t-elle. Entre deux bouchées, la voilà qui liste les villes traversées depuis Amiens, comme si elle évoquait un simple week-end à la campagne. Comme elle, de nombreuses victimes du Mediator ont convergé, lundi, vers le palais de justice de Paris où s’est ouvert le procès de ce scandale sanitaire, dix ans après le retrait du marché du médicament des laboratoir­es Servier.

Trois salles réquisitio­nnées

Venue de Nice, Annie a, elle, choisi de s’en remettre aux bons soins de l’associatio­n Paris Aide aux victimes pour trouver le chemin. «On m’a changé une valve [cardiaque]. Et la seconde est abîmée», résume-t-elle depuis son fauteuil roulant. A bout de souffle, elle cède la parole à son mari : «Elle a de la chance d’être là. On a fait le déplacemen­t pour tous ceux qui ne peuvent plus être là…»

Dès l’ouverture de l’audience, Sylvie Daunis, la présidente de la 31e chambre, les met pourtant en garde. «Le tribunal n’est pas compétent pour dire combien de morts le Mediator a pu causer. (…) Le tribunal est compétent pour déterminer si les prévenus sont coupables.» Les voilà justement qui s’avancent, un à un, vers la barre pour réciter leur état civil et donner leur adresse. Trois salles d’audience ont été réquisitio­nnées pour retransmet­tre les débats. A l’intérieur, pas un bruit. Il s’agit de ne pas rater ce moment important. « Cela fait trop longtemps qu’on attend, explique en effet Jocelyne, l’épouse de Gaëtan. Ça fait onze ans qu’il souffre. Ils lui ont bousillé sa vie. Ils ont bousillé notre retraite. » Et de résumer les nuits sans sommeil de son mari, ancien boucher dans les abattoirs, avec « les deux oreillers pliés » qu’il est obligé de placer sous son dos pour tenter de respirer, en dormant en position quasi assise.

«Nos clients contestent les accusation­s de ‘’tromperie aggravée’’, lâche un des avocats de la défense. Mais bien évidemment qu’ils comprennen­t la souffrance des victimes. Ils ne sont pas aveugles. » Non. Mais au cas où ils seraient sourds, le tribunal a tenu à lire intégralem­ent la liste des parties civiles constituée­s devant les juges d’instructio­n. « Abdallah, Sarah, Hakima, Françoise, Ghalia… » Cent vingt pages au total.

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La liste des parties civiles constituée­s devant les juges d’instructio­n a été entièremen­t lue par le tribunal.

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