L’AME, «enjeu de santé publique»
« Numéro 30 ? Number thirty ? 3-0 ? » Alain, bénévole, scrute la salle clairsemée du centre d’accueil, d’orientation et d’accompagnement (CAOA) de Médecins du monde (Paris, 12e). Chaque année y sont accueillis près de 3000 patients et personnes vulnérables en quête de soins. Migrants vivant à la rue, mères isolées ou familles précaires peuvent bénéficier ici d’un accompagnement social et sanitaire gratuit. La plupart sont bénéficiaires de l’aide médicale d’état (AME) ou y sont éligibles.
Créée en 2000 sous le gouvernement de Lionel Jospin, l’AME est jugée trop coûteuse par certains élus de droite et d’extrême droite; elle devrait être davantage «contrôlée» pour éviter certains «excès», estime pour sa part Emmanuel Macron. Les bénévoles et salariés du CAOA craignent le durcissement de ses conditions d’accès. En 2018, la France a dépensé 889,7 millions d’euros pour financer cette couverture maladie. Des dépenses en constante augmentation depuis 2004. La coordinatrice du centre, Aline Merabtène, nuance : «Ce dispositif concerne 300000 personnes en France. Nous sommes plus de 65 millions. Et il représente 0,5% de l’ensemble des dépenses de santé. Que la France refuse d’allouer un budget pour soigner les personnes les plus vulnérables aurait inévitablement des conséquences économiques et sanitaires.» Alain a ainsi déjà été confronté à des cas de patients atteints de tuberculose ou d’hépatite C. A ses yeux, «la conservation de l’AME est un enjeu de santé publique. Même la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, considère qu’il vaut mieux détecter en amont un certain nombre de pathologies plutôt que de risquer des épidémies qui pourraient coûter plus cher à la société que le coût initial de l’AME.»