Un mémorial contre l’esclavage ne fait pas l’unanimité
L’association Mémoires et Partages a présenté mardi son projet d’un lieu de mémoire contre l’esclavage, balayé par la mairie
Révélé au début du mois de septembre lors du festival Climax, le projet de mémorial contre l’esclavage à Bordeaux a été présenté mardi par l’association Mémoires et Partages. Rappelant que «Bordeaux, en tant que premier port colonial français, a été la ville française qui a le plus profité de l’exploitation de la main-d’oeuvre africaine et caribéenne », l’association bordelaise souhaite en effet qu’un véritable lieu culturel consacré à ce sujet soit érigé dans la ville. « L’idée est d’avoir un lieu, sur la rive droite dans le prolongement du parc aux Angéliques, avec une école des mémoires, un espace d’archives et d’exposition, et un auditorium, pour avoir des conférences et des débats », a détaillé le fondateur et directeur de l’association, Karfa Diallo.
Une architecte, Julie Druillet, a même déjà été désignée pour réaliser cet espace de 450 m2, dont le montant est estimé à 1,2 million d’euros. L’ensemble des candidats aux municipales à Bordeaux sont conviés samedi 12 octobre à la soirée de lancement du projet, au théâtre de l’Inox.
Trop coûteux pour la ville
Contactée par 20 Minutes à l’issue de la présentation de mardi, la ville de Bordeaux s’est dit un peu surprise par ce projet, et a renvoyé l’association dans les cordes. «La ville a établi, il y a trois ans, une commission de réflexion sur la mémoire de l’esclavage, rappelle l’adjoint chargé de l’égalité, la citoyenneté et la lutte contre les discriminations, Marik Fetouh. Nous avons érigé une statue sur les quais [celle d’une esclave, Modeste Testas née Al Pouessi, achetée par deux commerçants bordelais au XVe siècle], on a refait le square Toussaint-L’ouverture rive droite, qui est devenu un mémorial à ciel ouvert. Karfa Diallo était membre au départ de cette commission, et il n’était pas favorable à un mémorial, nous sommes donc surpris. Ses propositions évoluent tous les six mois, il n’y a pas de cohérence. Moi, je ne vois pas trop la plus-value de ce lieu, si ce n’est d’engloutir encore des centaines de milliers d’euros de fonds public… » L’association assure pour sa part qu’elle ne souhaite pas dépendre que d’argent public, et annonce avoir lancé une souscription jusqu’en 2021, « en espérant que le privé apporte 70 % des fonds ». Son président, Patrick Serres, rappelle qu’un projet de mémorial avait déjà été envisagé il y a quelques années, avant d’être abandonné. « Nous présentons à nouveau un projet aujourd’hui tout simplement parce que nous considérons que les esprits sont plus ouverts pour le mettre en oeuvre. »
Et même si la ville de Nantes est souvent citée en exemple par l’association, pour s’être emparée très tôt de ce sujet, Karfa Diallo et Patrick Serres entendent mener à Bordeaux un projet très différent du mémorial qui existe déjà en Loire-Atlantique. Mais il reste surtout à convaincre les partenaires, maintenant.