20 Minutes (Bordeaux)

Au Chili, où la révolte continue, « les politicien­s mettent le pays à sac depuis quarante ans »

Les annonces du président pour répondre à la crise sociale ne satisfont pas les manifestan­ts

- A Santiago du Chili, Clémence Apetogbor et Elie Allan

Cette fois-ci, ils ont défilé à vélo. Plusieurs milliers de cyclistes chiliens ont convergé dimanche vers la Plaza Italia de Santiago (la capitale), devenue depuis le 18 octobre le point de ralliement des manifestan­ts hostiles à Sebastian Piñera. Les annonces du chef de l’Etat, qui avait promis la veille un vaste remaniemen­t gouverneme­ntal, n’ont convaincu personne dans la foule, déjà compacte en milieu de journée. « On veut qu’il parte, lui, avec ses ministres », a ainsi juré Gualdo, sa fille de 3 ans sur les épaules.

Le président de droite concentre les critiques, moins de deux ans après son élection avec un score sans appel (54,58%). Un spectacula­ire retourneme­nt de situation pour l’homme d’affaires, qui n’en finit plus de vaciller depuis l’éclosion du mouvement déclenché par une hausse de plus de 3 % des tarifs du métro à Santiago – elle a été suspendue depuis.

Après avoir décrété l’état d’urgence – il devait être levé dimanche à minuit – instauré un couvre-feu dans les grandes villes et parlé de «guerre», le milliardai­re a tenté d’amorcer un virage social en annonçant dans la semaine, par exemple, une revalorisa­tion du minimum vieillesse. Celui que les frondeurs accusent d’avoir le sang de 19 manifestan­ts sur les mains a aussi adopté un ton plus conciliant, demandant « pardon » et assurant que le message était passé. « Le Chili est différent de celui qu’il était il y a une semaine », a-t-il déclaré samedi dans une allocution retransmis­e depuis la Moneda, le palais présidenti­el. Sans avoir eu, pour l’heure, d’effet sur la déterminat­ion des manifestan­ts.

Ils étaient environ un million vendredi sur la Plaza Italia et dans toutes les rues alentour, dans un retentissa­nt carillon de casseroles. Une foule compacte sans équivalent depuis la fin de la dictature d’Augusto Pinochet, en 1990. Des scènes similaires se sont déroulées dans toutes les autres grandes villes, notamment à Viña del Mar, à Antofagast­a ou encore à Valparaiso, le long de la côte pacifique. «Nous voulons du changement, nous voulons entrer dans l’histoire », résumait samedi Javiera, étudiante en psychologi­e de 22 ans. Car, au-delà du cas Piñera, c’est un malaise profond qui s’exprime, provoqué par les inégalités endémiques, elles-mêmes dues aux politiques libérales des gouverneme­nts successifs. « On paie chaque mois pour la retraite et, le moment venu, on n’a même pas de quoi payer le loyer», fustigeait la jeune femme rencontrée à Santiago. Mauricio, lui, ne connaît pas les fins de mois difficiles grâce à son confortabl­e salaire d’ingénieur – l’équivalent de 3700 € par mois. Mais il craint de tomber dans la grande pauvreté le jour où sa santé flanchera, faute de couverture sociale universell­e. «Le marché décide de tout ici », déplorait-il samedi. La crise, elle, a fait le bonheur de pillards, qui ont vandalisé et brûlé des dizaines de commerces à Santiago et dans plusieurs villes de province. « On parle là de la mise à sac de quelques supermarch­és, relativise Julio, 54 ans. Mais les politicien­s mettent le pays à sac depuis quarante ans.»

Une foule compacte sans équivalent depuis la fin de la dictature d’Augusto Pinochet en 1990.

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 ??  ?? Manifestat­ions (ici, samedi), violences, pillages… Le Chili est en proie depuis le 18 octobre à une mobilisati­on historique pour une société moins inégalitai­re.
Manifestat­ions (ici, samedi), violences, pillages… Le Chili est en proie depuis le 18 octobre à une mobilisati­on historique pour une société moins inégalitai­re.
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