BD ou comics, deux systèmes, deux ambiances
Malgré un lectorat fidèle, les auteurs français font face à une précarité grandissante
En ce dernier week-end d’octobre, la bande dessinée était à l’honneur à Paris, au Comic Con, et à SaintMalo, où les passionnés se sont retrouvés pour le festival Quai des bulles. L’occasion de comparer ces deux mondes du point de vue des auteurs. En 2018, le secteur de la BD pouvait se targuer de 44 millions d’albums vendus, d’un chiffre d’affaires de 510 millions d’euros, et d’une croissance de 2,5 %. Mais les auteurs français de bande dessinée sont touchés par une précarité grandissante, comme le révélaient les états généraux de la bande dessinée en 2014. Leur étude indiquait que 53 % des auteurs de BD professionnels vivaient avec des revenus inférieurs au smic annuel brut. « Nous avons lancé une nouvelle étude à l’occasion de l’année de la BD, en 2020, explique Marc-Antoine Boidin, vice-président pour le groupement BD du Syndicat national des auteurs-compositeurs. Je pense que le constat sera plus sévère. »
«Le lectorat BD s’est développé, mais pas aussi vite que l’offre », estime Stéphanie Hans. Après avoir tenté sa chance en France, cette dessinatrice a réussi à faire carrière dans les comics. «Aux Etats-Unis, les tarifs baissent aussi, mais on reste mieux payés », poursuit-elle. Dans les comics, les auteurs sont encore rémunérés à la page, là où les avances françaises correspondent de plus en plus à un prix forfaitaire. Stéphanie Hans travaille actuellement avec l’éditeur indépendant Image Comics sur son comics « Die », cocréé avec le scénariste Kieron Gillen, selon un système intitulé « creator owned » : « Image prend 20 % des ventes du comics. Avec les 80 % restants, nous payons l’impression, la distribution, et le salaire de l’éditrice, du lettreur, de l’agent, de l’avocat… » Les contrats avec Image Comics s’apparentent à de « l’autopublication », concède la dessinatrice. « Mais Image choisit ses projets, comme n’importe quel éditeur, et on profite de sa visibilité et de son système éditorial. »
En France, pour Denis Bajram, président de la Ligue des auteurs professionnels, l’Etat doit jouer «un rôle de régulateur ». En avril, le ministère de la Culture a confié au haut fonctionnaire Bruno Racine la mission «de mettre en perspective la situation et les aspirations des auteurs avec les politiques publiques qui ont pour but de les soutenir ». Les organisations d’auteurs ont été auditionnées et ont proposé un projet « qui va dans le sens d’une régulation », explique Denis Bajram. Le but : mieux rémunérer les auteurs et leur permettre de jouir de leurs droits d’auteur. La mission Racine doit rendre ses conclusions le 15 novembre. Avec «l’année de la BD » à l’approche, les auteurs espèrent que le débat va prendre de l’ampleur.
«Aux Etats-Unis, les tarifs baissent aussi, mais on reste mieux payés. »
Stéphanie Hans, dessinatrice