20 Minutes (Bordeaux)

L’emprise conjugale prise au sérieux

L’inscriptio­n dans la loi de cette forme de domination n’est pas que « symbolique »

- Hélène Sergent

« Un enfermemen­t à l’air libre. » Voilà comment le Premier ministre, Edouard Philippe, a défini lundi la notion d’emprise (lire l’encadré) subie par les femmes victimes de violences. Après quelque trois mois de concertati­on, le gouverneme­nt a choisi d’axer une partie des mesures issues du Grenelle contre les violences conjugales sur les violences psychologi­ques. Ainsi, l’emprise conjugale, souvent considérée comme un préalable aux violences physiques, devrait faire son apparition dès 2020 dans le Code pénal et le Code civil.

« Une très bonne chose »

Pour l’avocate pénaliste et porte-parole de Fondation des femmes, Zoé Royaux, cette mesure ne relève pas seulement du symbole : « C’est faire oeuvre de pédagogie, c’est un moyen de rappeler à l’ensemble des acteurs de la chaîne judiciaire que cette emprise est aussi grave que la violence physique. » « En nommant clairement cette notion, on donne une clé de compréhens­ion supplément­aire des mécanismes de violences conjugales, salue également Aurélie Latourès, chargée d’études à l’observatoi­re régional des violences faites aux femmes du centre Hubertine-Auclert. Démocratis­er ce terme est une très bonne chose. » Car, bien souvent, les manifestat­ions de cette emprise sont invisibles et s’expriment dans le huis clos familial. « Elles sont difficiles à détecter, y compris par les victimes. Elles ne se mesurent pas comme une fracture ou un bleu », rappelle Me Zoé Royaux.

Pour la pénaliste, inscrire clairement l’emprise dans la loi permet « de donner un raisonneme­nt juridique » : « C’est un moyen de dire aux juges aux affaires familiales un peu frileux lorsqu’ils doivent délivrer une ordonnance de protection que d’autres

critères existent au-delà des certificat­s médicaux faisant état de coups ou de blessures.» Faire toutefois de l’emprise conjugale un nouveau délit à part entière ne serait pas nécessaire, nuance Anne-Sophie Laguens, avocate en droit de la famille : « Les outils existent déjà. Les violences psychologi­ques sont déjà punies par la loi et devraient être prises en compte par les magistrats. La réalité, c’est que ces mécanismes sont toujours très difficiles à prouver. » Un constat partagé par Aurélie Latourès : « L’applicatio­n de la loi sur les violences psychologi­ques est encore difficile, et les condamnati­ons restent rares. »

 ??  ?? La notion d’emprise conjugale fera son apparition dans le Code pénal en 2020.
La notion d’emprise conjugale fera son apparition dans le Code pénal en 2020.

Newspapers in French

Newspapers from France