« On a passé l’âge de se répéter »
Le réalisateur raconte ses retrouvailles avec l’acteur Robert De Niro et les partis pris de son film «The Irishman», disponible ce mercredi sur Netflix.
Netflix frappe un grand coup. Etre parvenu à réunir Robert De Niro, Al Pacino et Joe Pesci autour de Martin Scorsese tient du prodige. The Irishman est une fresque de près de 3h30 sur les rapports entre Jimmy Hoffa (Pacino), dirigeant syndicaliste américain mystérieusement disparu en 1975, et son garde du corps (De Niro). Plus qu’un film de gangsters, c’est une oeuvre testament que Martin Scorsese donne à découvrir sur Netflix dès ce mercredi. Le cinéaste américain a accepté de répondre aux « pourquoi » de 20 Minutes.
Pourquoi The Irishman ?
Bob [Robert] De Niro et moi-même avions envie de retravailler ensemble, mais il ne fallait pas que nous fassions une resucée des Affranchis ou de Casino. Nous avons passé l’âge de nous répéter! Bob a la possibilité de faire deux films par an comme acteur, mais je ne peux en réaliser qu’un tous les deux ans. Il faut que je le choisisse sagement. Pourquoi le livre de Charles Brandt J’ai tué Jimmy Hoffa (éd. JC Lattès), dont est inspiré le film ?
C’est Bob qui l’a découvert. Il était tellement bouleversé qu’il ne parvenait pas à finir ses phrases en décrivant les personnages. On s’est alors dit que c’était pour nous, que ça nous ressemblait en quelque sorte. C’était une façon attrayante de parler de l’histoire de l’Amérique, en essayant de mettre les spectateurs dans la peau des héros.
Pourquoi ces personnages ?
Ils nous ont renvoyés à notre propre mortalité, comme à notre amitié. Dans dix ou vingt ans, Bob et moi savons que nous ne serons plus là. D’où le désir de laisser une oeuvre que nous espérons belle et triste. Nous aimerions l’un comme l’autre qu’elle reflète notre époque.
Pourquoi Al Pacino ?
Je rêvais de le diriger un jour. Al Pacino était devenu une star grâce au Parrain quand j’en étais encore à tourner des petits films avec mes potes et mes parents. Après, il est parti bosser avec Brian De Palma : il était cuit pour moi. Bob a eu l’idée de l’appeler. J’ai voulu créer une intimité entre eux qu’on n’avait jamais vue à l’écran.
Pourquoi tant d’effets spéciaux ? Nous avions attendu trop longtemps. Le maquillage n’était plus suffisant pour rendre les acteurs crédibles en hommes plus jeunes. Pablo Helman, d’Industrial Light and Magic, a pu accomplir ce miracle grâce à l’informatique. Et cela sans forcer les comédiens à porter des casques et des combinaisons moulantes, ce qu’ils n’auraient jamais accepté.
« J’ai voulu créer une intimité entre Robert De Niro et Al Pacino qu’on n’avait jamais vue à l’écran.»
« Netflix m’a fait une offre que je n’ai pas pu refuser.»
Pourquoi pas de jeunes acteurs ?
On y a pensé mais, franchement, quand vous avez De Niro, Pacino et Pesci sous la main, ce serait du gâchis de faire jouer leurs personnages par des inconnus pendant la moitié du film. Surtout quand l’évolution technique permet de donner le change. Cela a pris plus de six mois supplémentaires, mais le jeu en valait la chandelle.
Pourquoi Netflix ?
Ils m’ont fait une offre que je n’ai pas pu refuser. Tous les autres studios nous avaient dit non, en prétendant que nos noms n’attireraient pas assez de public pour que le film soit rentable. Je n’avais pas Leonardo DiCaprio à mettre dans la balance pour ce projet, alors j’ai failli renoncer. Pourquoi pas de sortie en salles ?
Il a été montré dans quelques cinémas comme au Festival Lumière à Lyon et il bénéficie d’une sortie en salles limitée aux Etats-Unis. C’était la condition pour que The Irishman existe. J’ai essayé de tourner cela à mon avantage en jouant sur le format de la télévision dans ma mise en scène. Ce qui importe est que les gens puissent voir le film, quel que soit le support sur lequel ils le regardent.