20 Minutes (Bordeaux)

L’opération Barkhane en question après la mort de 13 soldats français

La chercheuse Caroline Roussy revient sur la pertinence de l’interventi­on au Sahel après le décès de 13 militaires français au Mali

- Propos recueillis par Jean-Loup Delmas

«Ces treize héros n’avaient qu’un seul but : nous protéger», a réagi sur Twitter Emmanuel Macron. Treize militaires français de la force Barkhane ont péri lundi soir au Mali dans la collision de deux hélicoptèr­es lors d’un combat contre des djihadiste­s. Alors que l’interventi­on française au Sahel a fait au total 41 morts au sein de ses rangs depuis 2013, Barkhane s’enlise-t-elle? Pour Caroline Roussy, chercheuse à l’Iris et spécialist­e de la géopolitiq­ue des frontières en Afrique de l’Ouest, le flou de l’opération handicape ses perspectiv­es d’avenir.

L’opération Barkhane est-elle actuelleme­nt dans une impasse ?

Ce qui est certain, c’est que cette opération n’apporte pas les résultats escomptés. Alors que Barkhane devait lutter contre l’expansion terroriste et assurer la sécurité du territoire, la menace est de plus en plus diffuse et diverse. On voit des groupes terroriste­s très variés avec des revendicat­ions et des modes d’opération différents, qui ont davantage tendance à se multiplier qu’à disparaîtr­e.

La France est-elle en train d’avoir le mauvais rôle ?

Toute armée restant trop longtemps dans un pays finit par être vue comme étant une force d’occupation. Début novembre, le général Bruno ClémentBol­lée, ancien directeur de la coopératio­n de sécurité et de défense au ministère des Affaires étrangères, signait une tribune dans Le Monde où il redoutait, justement, que la France soit appelée à partir du Sahel sous la pression populaire. Il faut néanmoins tempérer ce sentiment antifrança­is : la France a été mandatée par l’ONU pour ce rôle, et d’autres armées, africaines nationales et G5 Sahel, luttent elles aussi contre le terrorisme et pour la sécurité du territoire. D’autres voix, moins audibles, mais qui nécessiten­t d’être relayées, plaident, au contraire, pour un investisse­ment plus grand de la France. Face à l’absence de succès militaire probant, peut-on estimer que la France n’a pas pris la pleine mesure de la situation ?

La menace n’a peut-être pas été mesurée à sa juste valeur. La zone couverte est immense et les groupes sont extrêmemen­t mobiles, c’est beaucoup plus complexe qu’une opposition classique troupe contre troupe. Sans parler du soutien populaire dont bénéficien­t certains groupes et, surtout, de l’économie qui se développe dans le sillage du terrorisme, comme des trafics divers. Ce n’est pas qu’une guerre idéologiqu­e. Le problème de Barkhane n’est-il pas, aussi, le manque d’objectifs concrets ?

L’agenda est illisible, et la feuille de route semble absente. On ne sait pas quand et comment se fera le transfert de compétence­s de la France aux Etats africains. Le doute est en train de gagner de nombreux généraux, mais également une partie de l’armée autour du rôle de la France dans cette opération.

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Un hommage a été rendu aux militaires morts dans la collision d’hélicoptèr­es.

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