Le gouvernement joue la sérénité
Après les manifestations contre le projet de réforme des retraites, l’exécutif assure que la porte des négociations reste ouverte
Le bras de fer est engagé. Entre 800 000 et 1,5 million de personnes ont défilé en France contre le projet de réforme des retraites du gouvernement ce jeudi. Et face à cette mobilisation proche de celles des grands mouvements de 1995 ou de 2010, le gouvernement joue pour l’heure l’apaisement. « A travers ces chiffres, on peut dire que le pari est réussi pour les syndicats », estime Philippe Moreau Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences po et dirigeant de l’agence MSBG Conseil.
« Ça s’annonce bien, c’est une très forte mobilisation dans le public comme dans le privé », s’est réjoui Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, depuis le défilé. « On n’a pas vu depuis très, très longtemps une telle adhésion à la mobilisation.
Ce qu’on attend maintenant, c’est que le gouvernement prenne la mesure de cette mobilisation, qu’il comprenne que ce système universel est une mauvaise idée », a lancé Yves Veyrier, secrétaire général de FO.
Les syndicats entendent maintenir la pression. Philippe Martinez a indiqué que la grève serait « reconductible pour un certain nombre de secteurs ». En face, le gouvernement a voulu montrer sa sérénité, en se réunissant pour un long Conseil des ministres autour du président. Emmanuel Macron est « calme et déterminé à mener cette réforme », a indiqué l’Élysée. Il « reste des marges de négociation » pour prendre en compte « les situations spécifiques », a aussi assuré la porte-parole du gouvernement, Sibeth
Ndiaye. La majorité maintient donc son plan de bataille : laisser passer la contestation et poursuivre les négociations avec les syndicats. « Le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye achèvera les consultations avec les partenaires sociaux en début de semaine, puis le Premier ministre s’exprimera vers le milieu de la semaine prochaine sur l’architecture générale de la réforme », a indiqué l’Elysée. Cette stratégie du gouvernement est pour l’heure classique, reprend Philippe Moreau Chevrolet : « Il n’est pas dans une logique d’affrontement mais de conciliation, pas sur le fond, mais sur la forme. C’est une posture d’attentisme, un round d’observation, pour voir si le mouvement va mourir de lui-même ou perdurer. » Le mouvement est-il comparable à ceux de 1995 ou de 2010 ? « L’horizon des Français est plus proche du mouvement des “gilets jaunes” d’il y a un an », estime l’universitaire. Qui avertit : « Il y a la crainte de repartir vers un affrontement long, lourd, qui pourrait vite devenir ingérable. » Reste donc pour le gouvernement, selon lui, « à parler d’une seule voix, avec clarté, pour expliquer les choses et dire qu’on peut rediscuter. Alors, il aura une chance. »