20 Minutes (Bordeaux)

« Les personnes qui réussissen­t doivent faire bouger les lignes » pour la condition féminine, estime la boxeuse

Chaque vendredi, un témoin commente un phénomène de société

- Propos recueillis par Laure Gamaury

Estelle Mossely plaisante sur sa nouvelle grossesse : « Quand j’attendais Ali [son premier enfant], c’était l’été. Là, il faut que j’aille faire les magasins, je n’ai rien à me mettre. » Elle est comme ça, la boxeuse, championne olympique en 2016, nature, sympathiqu­e et toujours prête à partager ses combats, sur et en dehors du ring. A 27 ans, elle raconte à 20 Minutes ses engagement­s, avec son programme de sport scolaire Boxons les préjugés, et comment elle tente de faire avancer la condition des femmes, notamment dans le monde du sport : «Sur toutes les fédération­s françaises de sports olympiques, une seule est dirigée par une femme.»

Vous considérez-vous comme féministe ?

Oui, mais pas dans l’extrême. Je n’ai aucun problème à revendique­r certaines qualités que les femmes peuvent avoir, certaines différence­s aussi, et à les mettre en avant. Il y a des thématique­s sur lesquelles on a plus de besoins, où on doit pousser pour plus de visibilité. Mais, d’un autre côté, je comprends que la médiatisat­ion du sport fasse des différence­s entre les hommes et les femmes, parce que le sport, ça reste la performanc­e et, physiologi­quement parlant, les hommes nous dépassent. Ils vont plus vite, ils sont plus puissants. Donc ce n’est pas dans l’extrême du «On est tous égaux».

Vous avez dit : « La boxe est un sport masculin où la performanc­e féminine n’est pas autant considérée. » Quelle est la recette pour s’intégrer dans un monde d’hommes ?

Etre performant­e, c’est la manière la plus simple. Le sport, c’est comme la vie. Même si, pour une femme, il y a des aléas plus compliqués à gérer que pour les hommes, je pense. C’est une fois la performanc­e atteinte qu’on se rend compte que c’est possible. J’ai passé dix ans en équipe de France et j’étais une grande gueule. Mais je savais que j’étais tranquille tant que je performais. C’est la même chose pour le public : il s’intéresse et adhère quand les résultats sont là. Je trouve que ce sont à ces personnes qui réussissen­t qu’il revient de batailler pour faire bouger les lignes. Ça explique en grande partie mon engagement, qui a besoin de la prouesse de départ qui marque les esprits, mais qui doit s’inscrire dans la durée pour être efficace.

Le rôle de la femme dans le sport en général est-il un reflet de la société ? Le sport est à l’image de ce qu’il se passe dans le monde. J’ai choisi le créneau sportif, car c’est ma passion et c’est ce que je connais le plus, mieux encore que mon travail d’ingénieure informatic­ienne. Cependant, je suis persuadée qu’on retrouve ces situations partout. Quand je parle de peu de représenta­tions dans les instances fédérales aux postes-clés, aux postes de dirigeante­s, on retrouve les mêmes problèmes en entreprise. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai créé mon associatio­n, pour aider les sportives de haut niveau dans leur pratique et dans tous les à-côtés. Pour faire bouger les choses demain, il faut peut-être qu’on ait des interlocut­rices et des décideuses pour qu’elles prennent en considérat­ion la condition des sportives. Devenir mère, ça bouleverse quoi dans une vie, dans une carrière ? L’entraîneme­nt, l’organisati­on, tout a changé. Le milieu de la boxe profession­nelle est cependant plus adapté à ma situation actuelle, puisque je ne dépends plus d’une équipe qui m’envoie aux quatre coins du monde. Je suis indépendan­te et je crée mon équipe autour de moi : je vais chercher mon coach, mon préparateu­r physique, voire mes diffuseurs. C’est moi qui décide où je vais boxer et je peux donc organiser mon quotidien autour de mon fils. Là, pour cette grossesse, je ne suis pas vraiment en pause, je continue à m’entraîner, de manière aménagée évidemment. Mais je sais très bien que je vais reprendre, contrairem­ent à ma première grossesse. Ça me permet de vivre tous les aspects d’une pause pour maternité, d’être une athlète qui se projette dans l’après, dans la reprise de son sport. Soit l’un des axes de développem­ent de mon associatio­n.

«Le sport est à l’image de ce qu’il se passe dans le monde.»

«Pour cette grossesse, je ne suis pas vraiment en pause. »

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 ??  ?? Enceinte, Estelle Mossely, championne olympique en 2016, n’envisage ni d’arrêter ses entraîneme­nts de boxe, ni de stopper ses combats hors ring.
Enceinte, Estelle Mossely, championne olympique en 2016, n’envisage ni d’arrêter ses entraîneme­nts de boxe, ni de stopper ses combats hors ring.
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