Tenir le coût
Pour installer dans la durée leur lutte contre la réforme des retraites, les grévistes ont mis de l’argent de côté.
«Nous tiendrons jusqu’au retrait» de la réforme sur les retraites, a affirmé lundi Philippe Martinez, le leadeur de la CGT. Pour lui, comme pour les autres syndicats (FO, Solidaires, FSU), qui ont appelé à une nouvelle journée de grève interprofessionnelle ce mardi, l’objectif est clair : tenir le plus longtemps possible, pour espérer faire plier le gouvernement.
Or, une mobilisation qui dure pose la question du coût financier pour celui ou celle qui décide de cesser le travail, et qui n’est donc pas payée. Pour compenser – en partie – cette perte sèche, les caisses de grève peuvent être sollicitées.
La CFDT (qui n’appelle pas à la grève) dispose, par exemple, d’une réserve globale de 126 millions d’euros, issue des cotisations des adhérents. Même chose pour FO, qui ne communique pas sur le niveau de sa cagnotte. A la CGT, la caisse de grève lancée depuis 2016 par la branche Info-Com du syndicat a été réactivée. Dans son dernier décompte daté du 7 décembre, elle disposait de 194 000 €. Les montants en réserve sont donc très variables, mais ils sont surtout symboliques. « La caisse de grève est l’un des outils qu’on a pour continuer la bagarre, même si, au regard des besoins, les montants sont ridicules. Si vraiment on devait aider tous les salariés qui ont fait une journée de grève, la caisse ne tiendrait pas deux jours », admet Romain Altmann, secrétaire général de l’Info-Com CGT, interrogé par Paris Match. « C’est avant tout un outil de solidarité pour les salariés qui sont le plus en difficulté », reconnaît de son côté Natacha Pommet, secrétaire générale de la fédération CGT des services publics.
C’est dans cet esprit d’entraide que des cagnottes se lancent en dehors des organisations syndicales. Ainsi, un collectif a lancé une collecte de dons en faveur des grévistes sur la plateforme Twitch. Il a déjà récolté plus de 50 000 €, qui seront reversés à plusieurs syndicats. Mais Natacha Pommet met en garde : « Il ne faudrait pas qu’il y ait une forme de grève par procuration en faisant seulement un don.»
Eric Beynel, porte-parole de Solidaires, rappelle pour sa part que la mobilisation était prévue de longue date : « Les salariés ont pu se préparer en amont, en mettant de l’argent de côté, en faisant des stocks, en s’organisant.» La date du 5 décembre, premier jour de la contestation, a notamment été choisie parce que les agents de la RATP ont touché leur 13e mois en novembre. Au-delà de l’aspect financier, une grève qui dure passe aussi par la conquête de l’opinion. De ce point de vue, les syndicats peuvent être satisfaits. Les différents sondages sur le sujet montrent une adhésion à plus de 50 % au mouvement de grève. Au vu de cette dynamique, les opposants ne semblent pas prêts à ranger leurs pancartes. «Le mouvement doit durer parce que, même si on attend les annonces d’Edouard Philippe [prévues mercredi], on sait qu’il ne remettra pas en cause le projet de réforme » explique Benoit Teste, futur secrétaire général de la FSU.
Une nouvelle journée de mobilisation interprofessionnelle est en cours de préparation, vraisemblablement jeudi.
«Des salariés se sont préparés en amont, en mettant de l’argent de côté.»
Eric Beynel, Solidaires