La députée opposée au mot «féminicide» dans le Code pénal
La députée LREM du Val-d’Oise Fiona Lazaar estime qu’il existe plusieurs freins à l’inscription du terme «féminicide» dans la loi
Longtemps utilisé uniquement dans des cercles militants, le terme « féminicide » s’est peu à peu imposé dans le débat public. Des associations engagées dans la lutte contre les violences faites aux femmes réclament désormais son inscription dans le Code pénal. Après plusieurs auditions d’associations, de magistrats et de professionnels du droit, la députée LREM du Vald’Oise Fiona Lazaar a présenté mardi à l’Assemblée nationale un rapport sur l’emploi de ce terme.
Que préconise le rapport que vous avez présenté ?
Il y a une volonté forte de voir ce terme davantage utilisé et à tous les échelons de la société : politique, médiatique, institutionnel. En revanche, il existe, selon moi, plusieurs freins à l’inscription du mot « féminicide » dans le Code pénal. Des freins mais aussi des risques réels pour les victimes et les familles des victimes. C’est une fausse bonne idée. Ce que je préconise, c’est d’utiliser ce mot et de le reconnaître de façon institutionnelle. Employer ce terme, c’est comprendre le caractère systémique des violences faites aux femmes. Le caractère symbolique est très important et c’est une façon de remettre le sujet dans le débat public.
Pourquoi l’inscription de ce terme dans le Code pénal serait-elle contre-productive ?
Les féminicides sont des crimes qui peuvent être assortis de circonstances aggravantes déjà prévues par la loi et pouvant conduire à une condamnation à la peine maximale. Si on décide d’inscrire ce terme comme une infraction autonome, il y a le risque de ne pas pouvoir prouver qu’il s’agit d’un crime en raison du genre et donc d’entraîner l’acquittement de l’individu poursuivi. L’autre frein, soulevé notamment par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, est celui de l’universalité du droit. En inscrivant le féminicide dans le droit, la Commission redoute que cela revienne à distinguer un homicide commis par un homme commis sur une femme d’un autre homicide et de créer, quelque part, une sorte de hiérarchie.
N’y a-t-il pas une forme de contradiction à vouloir diffuser le plus largement possible le terme « féminicide », y compris auprès des magistrats, tout en refusant de l’inscrire dans la loi ?
Non, c’est une question d’équilibre. C’est un terme très puissant, mais j’estime qu’une inscription dans la loi pourrait fragiliser les victimes. Pour autant, la lutte continue et j’ai formulé une proposition de résolution [un texte non contraignant] que j’ai d’ores et déjà déposée. J’ai obtenu l’accord du bureau du groupe pour porter cette résolution afin d’encourager l’emploi du terme de « féminicide » en France dans toutes les sphères de la société. Comme disait Simone de Beauvoir : nommer c’est dévoiler, et dévoiler c’est déjà agir.