20 Minutes (Bordeaux)

La députée opposée au mot «féminicide» dans le Code pénal

La députée LREM du Val-d’Oise Fiona Lazaar estime qu’il existe plusieurs freins à l’inscriptio­n du terme «féminicide» dans la loi

- Propos recueillis par Hélène Sergent

Longtemps utilisé uniquement dans des cercles militants, le terme « féminicide » s’est peu à peu imposé dans le débat public. Des associatio­ns engagées dans la lutte contre les violences faites aux femmes réclament désormais son inscriptio­n dans le Code pénal. Après plusieurs auditions d’associatio­ns, de magistrats et de profession­nels du droit, la députée LREM du Vald’Oise Fiona Lazaar a présenté mardi à l’Assemblée nationale un rapport sur l’emploi de ce terme.

Que préconise le rapport que vous avez présenté ?

Il y a une volonté forte de voir ce terme davantage utilisé et à tous les échelons de la société : politique, médiatique, institutio­nnel. En revanche, il existe, selon moi, plusieurs freins à l’inscriptio­n du mot « féminicide » dans le Code pénal. Des freins mais aussi des risques réels pour les victimes et les familles des victimes. C’est une fausse bonne idée. Ce que je préconise, c’est d’utiliser ce mot et de le reconnaîtr­e de façon institutio­nnelle. Employer ce terme, c’est comprendre le caractère systémique des violences faites aux femmes. Le caractère symbolique est très important et c’est une façon de remettre le sujet dans le débat public.

Pourquoi l’inscriptio­n de ce terme dans le Code pénal serait-elle contre-productive ?

Les féminicide­s sont des crimes qui peuvent être assortis de circonstan­ces aggravante­s déjà prévues par la loi et pouvant conduire à une condamnati­on à la peine maximale. Si on décide d’inscrire ce terme comme une infraction autonome, il y a le risque de ne pas pouvoir prouver qu’il s’agit d’un crime en raison du genre et donc d’entraîner l’acquitteme­nt de l’individu poursuivi. L’autre frein, soulevé notamment par la Commission nationale consultati­ve des droits de l’homme, est celui de l’universali­té du droit. En inscrivant le féminicide dans le droit, la Commission redoute que cela revienne à distinguer un homicide commis par un homme commis sur une femme d’un autre homicide et de créer, quelque part, une sorte de hiérarchie.

N’y a-t-il pas une forme de contradict­ion à vouloir diffuser le plus largement possible le terme « féminicide », y compris auprès des magistrats, tout en refusant de l’inscrire dans la loi ?

Non, c’est une question d’équilibre. C’est un terme très puissant, mais j’estime qu’une inscriptio­n dans la loi pourrait fragiliser les victimes. Pour autant, la lutte continue et j’ai formulé une propositio­n de résolution [un texte non contraigna­nt] que j’ai d’ores et déjà déposée. J’ai obtenu l’accord du bureau du groupe pour porter cette résolution afin d’encourager l’emploi du terme de « féminicide » en France dans toutes les sphères de la société. Comme disait Simone de Beauvoir : nommer c’est dévoiler, et dévoiler c’est déjà agir.

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L’élue a remis un rapport sur l’emploi du terme «féminicide», mardi.
##JEV#172-55-https://tinyurl.com/r5tgus7##JEV# L’élue a remis un rapport sur l’emploi du terme «féminicide», mardi.

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