20 Minutes (Bordeaux)

La tentation du «mission-washing»

Le statut de société à mission permet aux entreprise­s de mettre en avant de bonnes causes

- Catherine Abou El Khair

On connaissai­t le « green-washing » pratiqué par certaines entreprise­s, qui surfent sur l’écologie pour vendre des produits pas toujours très verts. Le développem­ent durable n’est désormais plus la seule manière de se distinguer. Depuis janvier, les entreprise­s peuvent se prévaloir d’un autre titre, si elles l’acceptent : celui de «société à mission». En se déclarant comme telles auprès du greffe du tribunal de commerce, des entreprise­s à but lucratif s’assignent des objectifs sociaux et environnem­entaux qu’elles inscrivent dans leurs statuts.

Après quelques pionniers, comme Léa Nature ou le groupe Rocher, l’initiative intéresse de nouvelles entreprise­s, à l’instar de Student Pop, qui propose des jobs étudiants en contrat d’autoentrep­reneurs ou en CDD dans l’accueil, le street marketing ou la logistique. « Notre philosophi­e, c’est d’aider les étudiants », avance Ouriel Darmon, cofondateu­r de Student Pop, qui prévoit d’adopter ce statut. Combien seront-elles, ces entreprise­s, à vouloir se doter de nouvelles missions? Fiers de leur boîte, certains patrons voient là une occasion de mettre en avant leurs bonnes causes. «C’est intéressan­t de faire de la mission un pilier de l’entreprise, de définir ce qu’on veut faire et ce qu’on ne veut pas faire », explique Pierre Dubuc, fondateur d’Open Classrooms, site de formations en ligne.

Pour garantir le sérieux de la démarche, la loi prévoit quelques contrainte­s. Un «comité de mission» comptant au moins un salarié de l’entreprise doit être mis en place pour vérifier que les objectifs sont atteints. Il est chargé de produire un rapport sur les avancées obtenues, qui doivent être auditées par un organisme tiers indépendan­t, dont l’avis sera public. « C’est quand même assez sérieux», estime Pierre Dubuc. Il n’empêche, selon plusieurs observateu­rs, le risque de «mission-washing» est réel. « On risque d’avoir une belle idée qui peut être utilisée par des entreprise­s qui veulent se faire mousser», reconnaît Martin Richer, consultant au cabinet

« Beaucoup d’entreprise­s veulent utiliser ce titre de manière commercial­e. » Martin Richer, Management & RSE

Management & RSE, qui confie avoir « beaucoup de sollicitat­ions d’entreprise­s qui veulent utiliser ce titre de manière commercial­e ».

Car, dans l’absolu, tout est possible, la loi laissant une totale liberté aux entreprise­s dans les missions qu’elles s’assignent. En théorie, «l’entreprise à mission intègre le fait qu’elle a une capacité de transforma­tion de la société, explique Alain Schnapper, membre du bureau de la Communauté des entreprise­s à mission. La mission doit être au coeur de son activité. Mais, si elle consiste à planter trois arbres, c’est se donner bonne conscience et c’est très mauvais signe. »

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Au moins un salarié doit vérifier que les objectifs sont atteints.

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