La tentation du «mission-washing»
Le statut de société à mission permet aux entreprises de mettre en avant de bonnes causes
On connaissait le « green-washing » pratiqué par certaines entreprises, qui surfent sur l’écologie pour vendre des produits pas toujours très verts. Le développement durable n’est désormais plus la seule manière de se distinguer. Depuis janvier, les entreprises peuvent se prévaloir d’un autre titre, si elles l’acceptent : celui de «société à mission». En se déclarant comme telles auprès du greffe du tribunal de commerce, des entreprises à but lucratif s’assignent des objectifs sociaux et environnementaux qu’elles inscrivent dans leurs statuts.
Après quelques pionniers, comme Léa Nature ou le groupe Rocher, l’initiative intéresse de nouvelles entreprises, à l’instar de Student Pop, qui propose des jobs étudiants en contrat d’autoentrepreneurs ou en CDD dans l’accueil, le street marketing ou la logistique. « Notre philosophie, c’est d’aider les étudiants », avance Ouriel Darmon, cofondateur de Student Pop, qui prévoit d’adopter ce statut. Combien seront-elles, ces entreprises, à vouloir se doter de nouvelles missions? Fiers de leur boîte, certains patrons voient là une occasion de mettre en avant leurs bonnes causes. «C’est intéressant de faire de la mission un pilier de l’entreprise, de définir ce qu’on veut faire et ce qu’on ne veut pas faire », explique Pierre Dubuc, fondateur d’Open Classrooms, site de formations en ligne.
Pour garantir le sérieux de la démarche, la loi prévoit quelques contraintes. Un «comité de mission» comptant au moins un salarié de l’entreprise doit être mis en place pour vérifier que les objectifs sont atteints. Il est chargé de produire un rapport sur les avancées obtenues, qui doivent être auditées par un organisme tiers indépendant, dont l’avis sera public. « C’est quand même assez sérieux», estime Pierre Dubuc. Il n’empêche, selon plusieurs observateurs, le risque de «mission-washing» est réel. « On risque d’avoir une belle idée qui peut être utilisée par des entreprises qui veulent se faire mousser», reconnaît Martin Richer, consultant au cabinet
« Beaucoup d’entreprises veulent utiliser ce titre de manière commerciale. » Martin Richer, Management & RSE
Management & RSE, qui confie avoir « beaucoup de sollicitations d’entreprises qui veulent utiliser ce titre de manière commerciale ».
Car, dans l’absolu, tout est possible, la loi laissant une totale liberté aux entreprises dans les missions qu’elles s’assignent. En théorie, «l’entreprise à mission intègre le fait qu’elle a une capacité de transformation de la société, explique Alain Schnapper, membre du bureau de la Communauté des entreprises à mission. La mission doit être au coeur de son activité. Mais, si elle consiste à planter trois arbres, c’est se donner bonne conscience et c’est très mauvais signe. »