Désaccords de performance
La possibilité pour les entreprises de moduler le temps de travail et les salaires des salariés pour sauver l’emploi est très discutée
Moins d’un mois après le début du déconfinement, les salariés sont déjà invités à payer les pots cassés de la crise née de la pandémie de coronavirus. Malta Air, filiale maltaise du groupe Ryanair, veut par exemple diminuer la rémunération de quelque 180 personnels navigants commerciaux pendant cinq ans, mais aussi celle de ses pilotes, selon RTL. Faute de quoi, la direction menace de licenciements en France.
Depuis la réforme du Code du travail de 2017, un outil juridique à la disposition des entreprises permet de revenir sur de tels acquis avec beaucoup plus de facilité : il s’agit des accords de performance collective (APC). Dans le contexte actuel, les pouvoirs publics mettent en avant cet outil pour éviter d’en passer directement aux licenciements. « A terme, ces négociations sont plus créatrices d’emploi », a même assuré sur France Inter la secrétaire d’Etat Agnès Pannier Runacher.
Le jeu en vaut-il la chandelle ? Certains syndicats en doutent. Si la question se pose autant en France, c’est qu’il s’agit « d’un type d’accord radicalement nouveau, détaille Christian
Christian Pellet,
dirigeant de Sextant
Pellet, dirigeant de Sextant, un cabinet d’expertise qui conseille les comités sociaux et économiques. Ces accords impliquent de savoir négocier et de faire des compromis, ce qui n’est pas dans la culture française. » Selon Yves Veyrier, le numéro un de FO, il y a aussi « des exemples passés où on a contraint les salariés, par le biais d’une forme de chantage à l’emploi, à accepter des baisses de salaire (…) pour que, en définitive, des emplois soient malgré tout supprimés ». L’impact de tels deals dépend en fait de la situation de l’entreprise, mais aussi du contexte économique. Que penser, donc, des accords de performance collective dans le cadre de cette pandémie? Pour Jean-Christophe Scilien, professeur de gestion à l’université
«Ces accords impliquent de savoir négocier et de faire des compromis.»
Paris-Nanterre, pour les petites entreprises, « cela peut être un élément majeur de survie, quand la banque refuse d’accorder un prêt et que la menace est le redressement judiciaire ». En revanche, dans les plus grosses structures, qui disposent d’une trésorerie et de prêts garantis par l’Etat, « l’urgence est moindre », reconnaît-il. Dans tous les cas, « ces accords de performance collective fonctionneront dès lors que l’on sait qu’il y aura du travail à terme. Si la crise est plus profonde, l’accord négocié ne servira à rien, il sera remis en question. »