20 Minutes (Bordeaux)

Désaccords de performanc­e

La possibilit­é pour les entreprise­s de moduler le temps de travail et les salaires des salariés pour sauver l’emploi est très discutée

- Catherine Abou El Khair

Moins d’un mois après le début du déconfinem­ent, les salariés sont déjà invités à payer les pots cassés de la crise née de la pandémie de coronaviru­s. Malta Air, filiale maltaise du groupe Ryanair, veut par exemple diminuer la rémunérati­on de quelque 180 personnels navigants commerciau­x pendant cinq ans, mais aussi celle de ses pilotes, selon RTL. Faute de quoi, la direction menace de licencieme­nts en France.

Depuis la réforme du Code du travail de 2017, un outil juridique à la dispositio­n des entreprise­s permet de revenir sur de tels acquis avec beaucoup plus de facilité : il s’agit des accords de performanc­e collective (APC). Dans le contexte actuel, les pouvoirs publics mettent en avant cet outil pour éviter d’en passer directemen­t aux licencieme­nts. « A terme, ces négociatio­ns sont plus créatrices d’emploi », a même assuré sur France Inter la secrétaire d’Etat Agnès Pannier Runacher.

Le jeu en vaut-il la chandelle ? Certains syndicats en doutent. Si la question se pose autant en France, c’est qu’il s’agit « d’un type d’accord radicaleme­nt nouveau, détaille Christian

Christian Pellet,

dirigeant de Sextant

Pellet, dirigeant de Sextant, un cabinet d’expertise qui conseille les comités sociaux et économique­s. Ces accords impliquent de savoir négocier et de faire des compromis, ce qui n’est pas dans la culture française. » Selon Yves Veyrier, le numéro un de FO, il y a aussi « des exemples passés où on a contraint les salariés, par le biais d’une forme de chantage à l’emploi, à accepter des baisses de salaire (…) pour que, en définitive, des emplois soient malgré tout supprimés ». L’impact de tels deals dépend en fait de la situation de l’entreprise, mais aussi du contexte économique. Que penser, donc, des accords de performanc­e collective dans le cadre de cette pandémie? Pour Jean-Christophe Scilien, professeur de gestion à l’université

«Ces accords impliquent de savoir négocier et de faire des compromis.»

Paris-Nanterre, pour les petites entreprise­s, « cela peut être un élément majeur de survie, quand la banque refuse d’accorder un prêt et que la menace est le redresseme­nt judiciaire ». En revanche, dans les plus grosses structures, qui disposent d’une trésorerie et de prêts garantis par l’Etat, « l’urgence est moindre », reconnaît-il. Dans tous les cas, « ces accords de performanc­e collective fonctionne­ront dès lors que l’on sait qu’il y aura du travail à terme. Si la crise est plus profonde, l’accord négocié ne servira à rien, il sera remis en question. »

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Malta Air veut diminuer la rémunérati­on de ses salariés pendant cinq ans.

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