20 Minutes (Bordeaux)

Illusion volontaire

- A.L.

Les saignement­s sous pilule ne sont pas de vraies règles, en ceci qu’elles ne sont pas liées à une ovulation. Pourquoi alors avoir créé ces fausses règles ? Pour le comprendre, il faut revenir aux années 1960 et s’imaginer une société où l’idée d’offrir la possibilit­é aux femmes de contrôler leur sexualité n’était pas bien vue de tout le monde.

Fervent catholique, John Rock, cocréateur de la pilule avec Gregory Pincus, avait ainsi à coeur de convaincre les autorités religieuse­s d’autoriser la pilule. Parmi les raisons qu’il invoque, dans un livre publié en 1963, pour justifier la pilule auprès de l’Eglise, il y a celle-ci : la pilule ne change pas le cycle « naturel » des femmes.

Mais, rectifie l’historienn­e Margaret Marsh, biographe de John Rock, il s’agit d’une réécriture de l’histoire. «Quand Rock a accepté l’idée de Pincus d’essayer de simuler le cycle mensuel, l’Eglise catholique n’avait rien à faire là-dedans», affirme-t-elle. D’autres raisons expliquent ce choix initial, comme le fait que les doses d’hormones étaient à l’époque beaucoup plus élevées, ce qui n’était pas sans conséquenc­e sur les utilisatri­ces, qui se plaignaien­t de divers symptômes proches de l’état de grossesse. Provoquer ces fausses règles était donc une façon pour les concepteur­s de la pilule de limiter la prise d’hormones et les symptômes associés. Et surtout de rassurer les utilisatri­ces inquiètes d’être enceintes. Cet argument semble obsolète, le dosage étant aujourd’hui 100 à 1 000 fois moins important qu’avant.

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