Illusion volontaire
Les saignements sous pilule ne sont pas de vraies règles, en ceci qu’elles ne sont pas liées à une ovulation. Pourquoi alors avoir créé ces fausses règles ? Pour le comprendre, il faut revenir aux années 1960 et s’imaginer une société où l’idée d’offrir la possibilité aux femmes de contrôler leur sexualité n’était pas bien vue de tout le monde.
Fervent catholique, John Rock, cocréateur de la pilule avec Gregory Pincus, avait ainsi à coeur de convaincre les autorités religieuses d’autoriser la pilule. Parmi les raisons qu’il invoque, dans un livre publié en 1963, pour justifier la pilule auprès de l’Eglise, il y a celle-ci : la pilule ne change pas le cycle « naturel » des femmes.
Mais, rectifie l’historienne Margaret Marsh, biographe de John Rock, il s’agit d’une réécriture de l’histoire. «Quand Rock a accepté l’idée de Pincus d’essayer de simuler le cycle mensuel, l’Eglise catholique n’avait rien à faire là-dedans», affirme-t-elle. D’autres raisons expliquent ce choix initial, comme le fait que les doses d’hormones étaient à l’époque beaucoup plus élevées, ce qui n’était pas sans conséquence sur les utilisatrices, qui se plaignaient de divers symptômes proches de l’état de grossesse. Provoquer ces fausses règles était donc une façon pour les concepteurs de la pilule de limiter la prise d’hormones et les symptômes associés. Et surtout de rassurer les utilisatrices inquiètes d’être enceintes. Cet argument semble obsolète, le dosage étant aujourd’hui 100 à 1 000 fois moins important qu’avant.