Le confinement, vu à travers des milliers de témoignages
A Pau, trois chercheurs mènent une étude d’ampleur nationale
« Les personnes interrogées nous disent toutes avoir ressenti une grande privation des libertés mais, paradoxalement, d’avoir enfin eu la maîtrise du temps et… plus de liberté. » Avec ses collègues chercheurs de l’université de Pau et des pays de l’Adour (Uppa), Yann Bruna et Gaelle Deletraz, la sociologue Evelyne Barthou se penche depuis le début du confinement sur l’impact de ces cinquante-cinq jours sous cloche. Sur les 8 500 répondants qui ont participé à l’étude lancée en ligne le 1er avril, 45 % des sondés habitent la Nouvelle-Aquitaine. Les autres représentent toute la France, « sauf certains départements rouges », souligne Evelyne Barthou. Le panel, par ailleurs plus féminin que masculin, sera redressé, afin de mieux coller à la population des confinés. Le premier volet « impact du confinement » terminé, les sociologues ont entamé celui sur le déconfinement (le questionnaire est disponible sur la page d’accueil de l’Uppa). Dans près de six mois, le troisième round, soit « la comparaison sur le long terme », sera lancé. « Nous allons tenter de voir si les postures défendues pendant le confinement, comme celles de moins prendre l’avion ou de plus profiter de sa famille, seront suivies d’effets », détaille Evelyne Barthou.
Un besoin de changement
En attendant, ouvriers, professeurs, femmes au foyer, étudiantes ou cadres supérieurs se rejoignent dans le vécu. Même si le confinement n’a pas été la même expérience pour « deux étudiantes habitant un 20 m2 que pour les jeunes ayant rejoint la maison de leurs parents ». Nombreux sont les sondés à avoir découvert le télétravail (45 %) ou un rythme de travail moins soutenu (48 %). Beaucoup d’hommes ont aimé davantage s’occuper de leurs enfants. « Le confinement va laisser des traces. Les Français qui ont goûté à une autre vie ont besoin de changement, analyse Evelyne Barthou. On le note déjà avec ce déconfinement qui n’est pas de tout repos [manifestations contre le racisme, mobilisation des personnels soignants, etc.]. La France s’est endormie très en colère et elle ne se réveille pas pacifiée. »