La vente de vin s’est réinventée
Les importateurs asiatiques, américains et britanniques ont pu découvrir le millésime 2019 grâce à des envois d’échantillons
Des Oscars du vin 2020 sur le Web, des visio-dégustations avec les importateurs, des échantillons envoyés au Royaume-Uni… A Bordeaux, le millésime 2019 s’est dégusté connecté. Avec un succès tel que le monde du vin, des producteurs aux négociants, semble vouloir capitaliser sur ces nouveaux formats pour promouvoir les futurs millésimes.
La campagne des primeurs, système unique au monde de vente de vin de grands bordeaux, s’est réinventée du fait de la crise sanitaire. Quelque 130 producteurs se sont lancés voici un mois dans une promotion marathon confinée. Tel Alexandre de Malet, copropriétaire du château La Gaffelière. « Les négociants ont fait un gros boulot et ils nous ont poussés à bousculer nos habitudes. Je me suis retrouvé sur Zoom face à 60 bonshommes de 60 pays différents qui dégustaient mon millésime. Je n’avais jamais fait ça », explique le producteur qui se demande s’il ne multipliera pas, « à l’avenir, les visios qui font gagner du temps et de l’argent à tout le monde ». Même discours du côté de l’Union des grands crus de Bordeaux « L’épidémie a mis un coup d’arrêt au marché et il nous a fallu du courage pour nous réinventer, avance son président, Ronan Laborde. Il en a fallu aussi aux acheteurs pour investir en temps de crise et aux producteurs pour laisser partir leurs vins fragiles en avion à l’autre bout du monde. »
« Des prix canons »
Le premier à s’être lancé, le château en biodynamie Pontet Canet, a même baissé son prix de 31 %, selon l’AFP. Son vin s’est vendu en trois heures, il y a dix jours. Comme nombre de ses confrères, le château Pontet Canet a profité des dégustations en petit comité organisées à Bruxelles, Paris ou Shanghai. Bien loin de la frénésie de l’habituelle semaine des primeurs qui se tient à Bordeaux fin avril, les professionnels ont eu le privilège de déguster vins blancs, appellations en rouge et liquoreux par groupes de huit dans des salles de moins de 100 m2. Le protocole sanitaire prévoyait masques, gel, crachoirs individuels et que seuls les deux sommeliers touchent les bouteilles. « C’était une dégustation sans bruits parasites, qui a permis de lier une relation quasi mystique avec le vin, se rappelle Ronan Laborde. Aujourd’hui, on a envie de repenser notre façon de promouvoir nos vins et nos rapports avec nos clients. »
Le bordeaux sortirait-il grandi de ce confinement ? « On a là l’un des huit plus grands millésimes de ces vingt dernières années, conclut Alexandre de Malet. Il était attendu, mais il a fallu se bouger un peu pour bien le vendre. Les acheteurs se sont procuré de grands vins à prix canons. On s’est donné un peu d’oxygène et certains d’entre nous ont redoré leur image de châteaux surcotés. Cette crise nous permettra peut-être d’en finir avec le “bordeaux bashing”. »