20 Minutes (Bordeaux)

« Noir, ce n’est pas un gros mot»

Le réalisateu­r Jean-Pascal Zadi balaie les clichés dans sa comédie «Tout simplement noir».

- Propos recueillis par Caroline Vié

Jean-Pascal Zadi tient la comédie de l’été avec Tout simplement noir, en salles depuis mercredi. Il signe avec John Wax un faux documentai­re dans lequel il incarne JP (lire l’encadré), un acteur raté qui décide d’organiser une marche de contestati­on en faveur de « l’homme noir ». Le presque quadragéna­ire, né à Bondy (Seine-Saint-Denis), ne mâche pas ses mots pour parler du rôle des Noirs en France.

L’absence de gros films américains dans les salles cet été ouvre-t-elle un boulevard à Tout simplement noir ? Un boulevard peut-être pas, mais j’espère trouver une belle contre-allée pour notre film. Tout simplement noir a d’abord pour but de divertir tous les publics. Il est vrai qu’il sort à un moment où on se pose des questions sur les Noirs avec les affaires George Floyd et Adama Traoré.

Comment êtes-vous venu au cinéma ?

Le rap m’a montré que je pouvais sortir de ma condition de gamin issu d’un quartier pauvre. Les profession­s vers lesquelles on nous dirigeait au lycée n’avaient rien d’artistique. Avec mon frère et un pote, on a formé un groupe de rap, La Cellule. C’est ainsi que j’ai découvert l’écriture et la mise en scène pour réaliser les clips. J’ai rencontré des gens, j’ai fait des docus, de la radio. De fil en aiguille, j’ai réussi à faire mon trou. Quels rôles vous proposait-on quand vous vous êtes lancé dans le cinéma ? Je me souviens avoir passé un casting pour jouer un dealeur et ne pas avoir été pris parce que je ne faisais pas assez méchant ! Je ne renie pas l’imaginaire des gens qui voient les Noirs ainsi, pas plus que je ne trouve judicieux de caser des Noirs partout pour se donner bonne conscience. Ce qui me pose problème, c’est que les Noirs, comme les autres minorités – puisque c’est ainsi qu’on les appelle – n’aient pas la place pour exprimer leur point de vue et leur vécu. Pensez-vous qu’il y a un point de vue « noir » ? Non, car le mot « noir » ne veut pas dire grandchose. C’est juste une couleur, pas un état ni un gros mot. Je le préfère de beaucoup à « black », qui nie la négritude. Nous sommes tous différents ! Il n’y a qu’à voir les différents intervenan­ts du film. Fabrice Eboué, avec son humour vachard, n’a pas plus de point commun avec moi que Lucien JeanBaptis­te, acteur TF1 au profil lisse, ou le métisse Eric Judor qui embrasse sa négritude jusqu’à l’absurde dans le film. Chacun des acteurs s’est amusé avec l’image que le public a de lui et en a profité pour répondre, par l’humour, aux critiques qu’il a pu subir. Les personnage­s du film ne sont pas forcément sympathiqu­es…

Il ne s’agissait pas de donner une image angélique des Noirs. Il en est de toutes sortes : des gentils, des méchants, des cons, des intelligen­ts. Ce sont des êtres humains ! Mon rêve est que le fait d’être noir soit considéré comme ordinaire, qu’on n’y fasse plus attention.

Vous considérez-vous comme un modèle pour les jeunes ?

Je n’ai pas le choix, je suis contraint d’endosser ce rôle. Guillaume Canet a la chance de ne représente­r que lui-même, ce n’est pas mon cas. Même si je dis que mes paroles n’engagent que moi, je suis conscient que les Noirs ont si peu voix au chapitre que je dois peser chacun de mes mots. Vous êtes-vous obligé à être prudent avec l’humour dans votre film ? Je n’ai pas eu à l’être, car je suis noir et je parle de Noirs. Dans ce cas, j’estime être libre de ce que j’écris et que personne ne peut rien me reprocher. Comment voyezvous l’avenir ? Je me sens obligé d’être optimiste, ne serait-ce que pour mes enfants! Ça bouge de partout. Le fait que Ladj Ly ouvre des écoles de cinéma gratuites ou que Soprano participe à « The Voice » est important. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière de faire bouger la société française, mais il est plus que temps que tout le monde se sente concerné. Ce n’est pas qu’une affaire de Noirs et de Blancs.

«Le rap m’a montré que je pouvais sortir de ma condition. »

« Je me sens obligé d’être optimiste pour l’avenir. »

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A nos lecteurs. Retrouvez votre journal «20 Minutes» vendredi 28 août dans les racks. En attendant, vous pouvez suivre toute l’actualité sur l’ensemble de nos supports numériques.
 ??  ?? L’acteur et cinéaste de presque 40 ans, né à Bondy (Seine-Saint-Denis), évoque l’évolution de la société française sous l’angle du racisme dans sa comédie.
L’acteur et cinéaste de presque 40 ans, né à Bondy (Seine-Saint-Denis), évoque l’évolution de la société française sous l’angle du racisme dans sa comédie.
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