20 Minutes (Bordeaux)

La vérité n’est pas très Net

Les fake news, qui se nourrissen­t de la peur, ont fleuri pendant la crise sanitaire. Le phénomène est-il amené à durer?

- Laure Beaudonnet

Les théories conspirati­onnistes n’ont jamais fait autant d’adeptes. Les réseaux sociaux et la défiance envers le pouvoir en place leur ont rendu la vie facile. La crise sanitaire n’a pas été épargnée par les fake news : le Covid-19 se propagerai­t grâce à la 5G, il aurait été fabriqué dans un laboratoir­e, il serait destiné à un puçage électroniq­ue… La société est-elle condamnée à être de plus en plus conspirati­onniste ? Les récits fantasmago­riques ont toujours existé et il n’y a pas de raison de les voir disparaîtr­e de sitôt. « Si vous remontez à l’époque de la peste noire au XIVe siècle, c’étaient les juifs qui empoisonna­ient [soi-disant] les puits», pointe Thomas Huchon, journalist­e, réalisateu­r et spécialist­e des questions numériques. Seule différence : les réseaux sociaux ont offert à ces rumeurs un terrain de jeu plus favorable. « Un peu comme une serre pour des plantes, Internet leur offre la possibilit­é de se constituer », explique Rudy Reichstadt, fondateur de l’Observatoi­re du conspirati­onnisme.

Alors que le Web donne plus facilement accès aux connaissan­ces qu’avant, les réseaux sociaux ont été conçus pour s’adresser avant tout à nos émotions. Des plateforme­s comme Facebook ou YouTube mettent en valeur les contenus qui créent des réactions. Plus une publicatio­n fait réagir, plus elle est partagée et plus elle est mise en valeur. Et la plupart des gens réagissent à la peur et à l’indignatio­n. « Tant qu’on accédera à l’informatio­n en faisant un usage permanent du clivage et de la colère, j’ai tendance à croire que ça va empirer », estime Thomas Huchon.

Mais pourquoi sommes-nous attirés par ces théories? Parce qu’elles sont rassurante­s. « Lorsqu’on est placé dans une situation d’incertitud­e, il y a une perte de contrôle qui est corrélée à une plus forte adhésion aux théories du complot, décrit Rudy Reichstadt. On clôt le champ du questionne­ment. D’une certaine manière, ça nous apaise.» Les théories du complot sont autant un symptôme de la défiance qu’un agent actif du creusement de cette défiance. « C’est un phénomène de crédulité : on a envie de croire », poursuit Rudy Reichstadt. Il n’est plus question d’esprit critique, bien au contraire. « Douter de tout ou tout croire, ce sont des solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir », confirmait (avec un siècle d’avance) le philosophe des sciences Henri Poincaré.

«Une perte de contrôle est corrélée à une plus forte adhésion aux théories du complot.» Rudy Reichstadt, fondateur de l’Observatoi­re du conspirati­onnisme

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Les plateforme­s Web, en s’adressant aux émotions, favorisent les fake news.

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