«Le taux de survie s’améliore», observe le professeur Malvy
Membre du conseil scientifique, l’infectiologue bordelais Denis Malvy fait le point sur la reprise de l’épidémie
C’est calme, dans les couloirs du service des maladies infectieuses du CHU Pellegrin de Bordeaux. Le Pr Denis Malvy a le temps d’échanger avec ses collègues et même de recevoir 20 Minutes dans son bureau.
Aviez-vous anticipé cette reprise de l’épidémie, notamment en Gironde ?
On n’est pas du tout surpris. On a une reprise des infections avec un rythme extrêmement élevé qui est en rapport avec les activités de tourisme sur la côte girondine. Il y a aussi les rassemblements de l’été. Au-delà de dix personnes, on peut créer facilement un cluster, sans diffusion, certes.
Quelle est la situation au CHU ?
Il n’y a pas une augmentation drastique du nombre de personnes hospitalisées. Au printemps, on a eu jusqu’à 35 patients Covid-19 dans mon service. Ce matin (mardi), j’en ai 8, mais on était redescendu à 0 en juillet. On accueille des « jeunes », autour de 40-50 ans, avec des facteurs de risque et, de nouveau, des personnes âgées. On a aussi six patients en réanimation. On voit bien que le virus recircule.
Peut-on rapidement se retrouver dans la même situation qu’en mars ?
La grande différence, c’est qu’on a une vraie capacité de tests. Avec les masques et les gestes barrières, on peut mieux contrôler le virus. Mais clairement, le scénario de l’extinction [du coronavirus] n’est pas au rendez-vous. L’objectif est d’écrêter au mieux la diffusion du virus. Après, on ne sait pas comment il va réagir quand les températures vont diminuer de manière drastique. Si le Covid-19 est comme les autres virus, il va bénéficier d’un terrain encore plus propice pour se propager. On se prépare à ça. L’avantage, par rapport au printemps, c’est que les personnes vulnérables se protègent et qu’on a amélioré la prise en charge des patients.
C’est-à-dire ?
On ventile mieux les patients. On propose aussi des traitements anticoagulants plus performants. L’administration de corticoïdes comme la dexaméthasone nous aide beaucoup chez les patients pris en charge avant la réanimation. On est mieux armé et, d’ailleurs, le taux de survie s’améliore.
Il n’y aura pas de reconfinement généralisé ?
Non, car justement on a tout ça. On a beaucoup de contraintes aujourd’hui mais ce sont elles qui vont nous permettre de ne pas revivre le scénario de mars. Après, il peut y avoir des reconfinements partiels.
Avec le recul, pensez-vous qu’il fallait le confinement total ?
Oui, cela a sauvé des vies. On ne voulait pas confiner par zone sinon les gens se seraient précipités dans les zones les moins touchées.
Avez-vous un avis sur la cacophonie scientifique qu’il y a eu ?
Je ne m’en réjouis pas. On peut juste constater que ce genre de crise nous précipite dans une société de l’instantanéité avec le moindre petit truc qui est repris des dizaines de fois. C’est le paradoxe de nos sociétés, on est dans la répulsion du risque épidémique, dans l’idolâtrie du risque 0 et en même temps, on a une fascination débordante pour cette épidémie. Il faut vraiment réfléchir par rapport à ça car des virus, il y en aura d’autres !
Avez-vous bon espoir de voir un vaccin développé rapidement ?
Nous aurons bientôt les tests salivaires qui sont beaucoup plus rapides. C’est une question de semaines. Tester rapidement, c’est très important. On va aussi continuer à avoir des avancées thérapeutiques avec les interférons [des protéines produites suite à une infection virale]. Enfin, on va avoir les premiers résultats sur les candidats au vaccin. Il y en a six en phase 3. A Bordeaux, on devrait bientôt en tester. On espère un vaccin pour fin 2020, début 2021.
« On est mieux armé et, d’ailleurs, le taux de survie s’améliore. »