20 Minutes (Bordeaux)

Le pas de géant des cigognes en Alsace

Un documentai­re revient sur la présence de cet échassier dans l’Est

- A Strasbourg, Thibaut Gagnepain

Un emblème, un étendard même ! La cigogne est bien plus qu’un simple oiseau en Alsace. Le réalisateu­r JeanLuc Nachbauer lui a consacré un documentai­re, diffusé sur Arte dimanche (11 h 50) et déjà accessible sur le site de la chaîne. Il a choisi de s’intéresser «au présent et au futur de ces animaux». Sans oublier de revenir sur un passé récent où les échassiers avaient quasiment disparu du paysage local. Incroyable, mais vrai. Il y a une petite cinquantai­ne d’années en Alsace, les cigognes blanches se comptaient sur les doigts de pieds et mains. « C’était la migration qui posait un problème. Alors qu’on s’attendait à voir revenir, chaque année, 40% des jeunes, ils étaient moins de 10%», explique Gérard Wey. Beaucoup mouraient sur le chemin du retour d’Afrique ou électrocut­ées sur les lignes non sécurisées à l’époque. «La création du canal du Rhin au siècle avait déjà commencé à modifier le paysage et leur habitat», complète l’ancien directeur de l’Aprecial, l’associatio­n pour la protection et la réintroduc­tion des cigognes dans la région. Elle s’est dissoute en 2016 : sa mission était accomplie avec une population d’échassiers de nouveau conséquent­e. Loin de la « dizaine de couples restants en 1974».

Près de 200 jeunes cigogneaux venus du Maghreb ont, en effet, été répartis dans une vingtaine d’enclos pendant trois ans afin de les sédentaris­er. Dit comme ça, la méthode choisie peut paraître violente. « Elle est soft, réagit Patrick Barbier, l’ancien président d’Alsace nature. Les cigognes ont juste été mises dans des volières et n’ont pas perdu leur instinct migratoire. On l’a vu avec leurs jeunes », complète celui qui est aussi le maire de Muttershol­tz. Les échassiers sont maintenant bien installés dans la région. Ils s’y plaisent de nouveau avec nourriture et nids installés par l’homme ! « La cohabitati­on avec l’homme demande une certaine sécurisati­on », souligne Gérard Wey. Il a contribué à fabriquer ces supports en acier, garnis ensuite de branches de saule, de foin et de crottin de cheval. Résultat, les cigognes restent et se reproduise­nt. Trop? Il y aurait aujourd’hui près de 900 couples en liberté dans la région, ce qui déplaît parfois…

Un fléau ?

Les cigognes sont-elles devenues un « fléau » pour l’Alsace ? « Le terme est exagéré», juge un habitant du quartier de l’Orangerie, à Strasbourg, où de nombreux riverains se plaignent des déjections. Dans certains villages, c’est davantage le danger des nids sauvages de l’oiseau qui sont pointés du doigt. Comme à Raedersdor­f (Haut-Rhin), où un a été repéré au-dessus de la cheminée de l’école. Selon Yvon Le Maho, l’espèce devrait se réguler elle-même à terme. « Dans toute population d’animaux sauvages, sans interventi­on humaine, un équilibre se crée, explique le directeur de recherche émérite au CNRS. La population de cigognes va sans doute diminuer et se stabiliser dans les années qui viennent. Il faut laisser faire la nature.»

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Il y aurait près de 900 couples de cigognes en liberté en Alsace aujourd’hui.

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