20 Minutes (Bordeaux)

L’Arabie saoudite carbure

Le pays du Moyen-Orient accueille de plus en plus de compétitio­ns sportives

- Aymeric Le Gall

Après le foot, le golf ou encore la boxe... L’Arabie saoudite s’est récemment offert deux nouveaux événements sportifs : l’épreuve cycliste du Saudi Tour et le Dakar, dont la deuxième édition saoudienne a démarré ce week-end (lire ci-dessous). Le pays du Moyen-Orient ne compte pas s’arrêter là et rêve désormais d’organiser un Grand Prix de Formule 1. Pourtant peu réputé pour son amour du sport, le régime saoudien s’est subitement pris de passion pour tout ce qui court, qui tape ou qui roule. Réveil soudain d’une flamme sportive ? Pas vraiment. «Ces achats à coups de pétrodolla­rs de grands événements sportifs ne sont rien d’autre qu’une opération de camouflage pour masquer que l’Arabie saoudite est une théocratie barbare qui recourt à la peine de mort, où les opposants politiques, les femmes, les homosexuel­s et les minorités étrangères sont discriminé­es, agressées ou emprisonné­es », dénonce Malik Salemkour, le président de la Ligue des droits de l’homme. Sur France Info, Antoine Madelin, directeur du plaidoyer à la Fédération internatio­nale pour les droits humains, dénonçait, lui, «une entreprise médiatique pour redorer l’image d’un régime sanguinair­e».

A l’image de son voisin et ennemi qatari, en pointe en matière de diplomatie sportive après le rachat du Paris SaintGerma­in à l’été 2011 et l’organisati­on du Mondial de foot en 2022, l’Arabie saoudite a choisi le sport comme instrument de puissance sur le plan internatio­nal. Mais, à la différence du petit émirat gazier, qui utilise le football pour étendre son ère d’influence à travers le globe et grossir son carnet d’alliés en Occident face à des voisins aussi hostiles qu’envahissan­ts, le coup de force sportif de l’Arabie saoudite est davantage perçu par le régime en place comme un levier économique.

«Cette politique fait partie du plan “Vision 2030”, mis en place par le prince héritier Mohamed Ben Salman, qui tend à diversifie­r l’économie du pays, car la manne pétrolière seule ne suffit plus à satisfaire une population de plus en plus nombreuse», explique Clarence Rodriguez, correspond­ante pour les médias français à Riyad pendant près de douze ans. L’idée est simple : développer l’économie du tourisme via les retombées médiatique­s des différents événements. La réalisatio­n, en revanche, est un chouïa plus coton, parce que l’Arabie saoudite n’arrive pas en premier dans la liste des pays que l’on souhaite découvrir. « La guerre au Yémen, les assassinat­s politiques, les purges à tour de bras [des gens de la famille de Ben Salman ont été embastillé­s au nom d’une campagne de lutte contre la corruption], décrit Clarence Rodriguez. Sans parler de l’affaire Khashoggi, ce journalist­e assassiné au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul le 2 octobre 2018 et dont la CIA soupçonne le régime saoudien d’être le commandita­ire. » Ce qui lui fait dire, en comparaiso­n avec la relative réussite politique de soft power du Qatar, que «le passif est plus lourd pour l’Arabie saoudite et que, de ce fait, la réussite de cette politique de soft power n’est pas garantie ».

« Le prince héritier veut diversifie­r l’économie du pays. » Clarence Rodriguez, ancienne correspond­ante à Riyad

 ??  ?? La deuxième édition saoudienne du Paris-Dakar a démarré ce week-end.
La deuxième édition saoudienne du Paris-Dakar a démarré ce week-end.

Newspapers in French

Newspapers from France