20 Minutes (Bordeaux)

«Mettre en avant mes différence­s»

Dans son nouvel album «A tous les bâtards», sorti ce vendredi, le chanteur porte la voix des gens qui peuvent être jugés, comme lui, «à part».

- Propos recueillis par Fabien Randanne

La première fois que nous avions rencontré Eddy de Pretto, il nous avait semblé sur la réserve. C’était juste avant la sortie de Cure, son premier album, devenu depuis un carton. Trois ans plus tard, on le retrouve à quelques jours de la sortie de son deuxième opus, A tous les bâtards, disponible ce vendredi. Cette fois, il paraît parfaiteme­nt à l’aise. « Je ne suis pas dans les mêmes circonstan­ces, là, que quand je suis en pleine écriture, rempli d’angoisses. Il y a deux facettes chez moi », explique Dr Eddy ou M. de Pretto.

Dans le titre Tout vivre, vous chantez : « Il y a des choses qui sortent lentement, je préfère bien prendre mon temps. » Vous n’avez pas voulu vous presser pour écrire ce deuxième album ?

Pour moi, l’écriture, ce n’est jamais évident. Pour le premier album, j’y allais et je prenais tout ce que j’avais à prendre. Là, bien sûr, il y a plus de pression. Je voulais garder une certaine innocence, raconter de nouvelles histoires et retrouver ce qui a fait l’essence du premier album : les urgences, les tensions, la frontalité dans le verbe. En septembre 2019, en sortant de la tournée « Cure », j’étais incapable de ça. Il m’a fallu un peu de recul, de distance, revivre certaines choses que je ne vivais plus.

En note d’intention, vous dites que cet album est une « ode aux gens d’à-côté, aux bizarres, aux freaks, aux étranges ». Cela a été votre ligne directrice lors de l’écriture ?

D’abord, j’écris des chansons qui racontent des histoires. Je me suis rendu compte, en les assemblant, qu’il y avait un dénominate­ur commun, celui de la différence. Dans toutes les chansons, je retrouvais un truc : le fait d’assumer, de se réappropri­er ses faiblesses. On m’a nommé comme étrange, bizarre, chelou, monstre pendant toute mon adolescenc­e et toute ma vie de jeune adulte. Tous ces fardeaux-là, je les retourne en quelque chose de positif. C’est là tout le travail de ce deuxième album, que ce soit une force pour avancer dans la vie.

« Mes défauts sont devenus attrayants, j’ai aimé parfois les grossir. » C’est de cela dont vous parlez dans QQN ?

Cet album, avec tout l’amour que j’ai reçu sur le premier, me permet de mettre en avant mes différence­s, de dire qu’elles sont là et que je ne pourrai pas les changer, ni les masquer. Il y a trois ans, j’en aurais été incapable, j’essayais au maximum de coller à la société. Là, c’est plutôt l’inverse.

Vous vous attendiez à ce que votre chanson Kid, qui évoque notamment les injonction­s à la virilité, résonne auprès d’autant de monde ?

On ne s’y attend pas, jamais, ça me dépasse. Tant mieux que ce soit réutilisé et visible. Que cela puisse être repris par deux gays dans « Incroyable Talent », avec leur réinterpré­tation, leur homosexual­ité, leur histoire, ça me touche. Que cela soit repris par [la drag-queen] Leona Winter dans « The Voice », aussi.

Avec La Fronde, on pense à ces mobilisati­ons qui ont fédéré autour de Black Lives Matter ou de la lutte contre le réchauffem­ent climatique. Des thèmes que vous évoquez dans l’album…

Ma matière première, c’est la société. Quand j’allais à Créteil Soleil avec mes potes et qu’il y avait des contrôles de flics, c’était le Noir et l’Arabe qui se faisaient mettre de côté. C’est cela que je voulais raconter dans Val de larmes. Je l’ai écrite avant Black Lives Matter. Qu’enfin on écoute ces stigmatisa­tions : bonheur! L’alliance des minorités, pour moi, est hyper importante.

Dans Tout vivre, vous laissez entendre qu’il n’y aura peut-être pas de troisième opus…

Totalement. Je ne savais déjà même pas qu’il y en aurait un deuxième. Je n’ai jamais d’assurance là-dessus. Ecrire des petites chansons sympathiqu­es, un peu cucul, moi, ça me fait chier.

Estimez-vous que chaque parole chantée doit avoir un poids, un sens ?

C’est ce que j’explique dans Tout vivre : avoir de l’épaisseur, de la matière. Si je n’ai pas de choses à dire, cela prendra le temps qu’il faudra pour faire le troisième album. Peut-être qu’il n’y en aura pas.

«On m’a nommé comme étrange, bizarre, chelou. »

« L’alliance des minorités, pour moi, est hyper importante. »

Eddy de Pretto, auteur, compositeu­r et interprète

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 ??  ?? Eddy de Pretto, dont le deuxième album, A tous les bâtards, sort ce vendredi, évoque le thème de la différence, fil rouge de son opus.
Eddy de Pretto, dont le deuxième album, A tous les bâtards, sort ce vendredi, évoque le thème de la différence, fil rouge de son opus.

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