20 Minutes (Bordeaux)

« La transident­ité ne suffit pas à résumer une personne », estime le comédien Océan

Dans la saison 2 de sa websérie documentai­re, sous-titrée « En inflitré.e.s », Océan a recueilli les témoignage­s de personnes trans, intersexes ou non binaires

- Propos recueillis par Fabien Randanne

« On n’est pas là à expliquer comment se comporter ou ce qu’il ne faut pas dire. »

En 2019, Océan racontait sa transident­ité et le début de sa transition dans les dix épisodes de sa websérie documentai­re, disponible sur France TV Slash. Depuis jeudi, le comédien et réalisateu­r poursuit son récit avec une nouvelle saison sous-titrée En infiltré.e.s.

Dans la saison 1, vous racontiez les débuts de votre parcours de transition. Dans cette saison 2, vous allez à la rencontre d’autres personnes trans, intersexes ou non binaires. Y a-t-il une continuité ?

Oui, c’est, d’une part, la suite de mes aventures. Il m’a semblé plus intéressan­t de parler de ce qu’il se passe quand on est féministe radical comme moi, et qu’on a un « passing », c’est-àdire qu’on se retrouve à être perçu comme un homme cisgenre [non trans] dans l’espace public. Mais j’avais surtout envie de montrer qu’il y a plein de parcours différents, d’autres vécus, que la transident­ité ne suffit pas à résumer une personne.

Dans l’un des épisodes, Sorour, artiste non binaire, vous fait d’ailleurs part de ses critiques au sujet de cette première saison… Sorour me dit : « Je me suis senti invisibili­sé dans tout ce que tu étais visible. » Je trouve son reproche intéressan­t. En réalité, je n’y suis pour rien, dans le sens où ce n’est pas moi qui fais la loi sur les médias. Ils aiment avoir un exemplaire, le plus rassurant. J’ai gardé ce passage, parce que c’est bien de montrer que ce n’est pas parce qu’il y a un trans visible que tout le monde va être content. Cela peut être aussi une forme d’invisibili­sation d’autres parcours, de personnes plus précaires, non blanches, non françaises, non binaires.

Le fait d’écouter ces reproches et de faire son autocritiq­ue, cela participe au travail dit de « déconstruc­tion » dont vous parlez en fil rouge de cette saison. Par exemple, vous reconnaiss­ez vous-même avoir intégré des préjugés grossophob­es… On baigne dans une culture grossophob­e, raciste, sexiste, validiste [faite pour les personnes valides]. Si on n’est pas concerné, on intérioris­e tout cela, malheureus­ement. Et ce n’est pas parce que l’on est concerné par une discrimina­tion qu’on est parfait. Dans cette saison, j’ai tendance à me ridiculise­r en forçant le trait de mon personnage dans mes maladresse­s. Les gens qui regardent peuvent s’identifier à moi, avec leurs préjugés : il y a quelque chose d’assez doux, bienveilla­nt, c’est un processus de déconstruc­tion collective. Vous évoquez plusieurs notions, telles que le privilège blanc, qui peuvent faire figure d’épouvantai­l, notamment dans la période actuelle, très crispée. C’est délicat de faire de la pédagogie sans s’aliéner une partie du public ?

On n’est pas dans un truc de donneur de leçons. On s’attache à des personnes qui sont hyper émouvantes et ne font que raconter ce qu’elles vivent. C’est pédagogiqu­e, mais pas didactique, c’est-à-dire qu’on n’est pas là à expliquer comment se comporter ou ce qu’il ne faut pas dire. On a juste des personnes qui témoignent de leur propre parcours, et c’est ça qui est le plus efficace, je pense. Les témoignage­s suscitent une empathie qui permet de faire un travail sur soi.

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 ?? Lucie Rimey-Meille ?? Il y a deux ans, Océan racontait les débuts de son parcours de transition dans une websérie documentai­re.
Lucie Rimey-Meille Il y a deux ans, Océan racontait les débuts de son parcours de transition dans une websérie documentai­re.
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Captures d’écran France.tv Slash Dans la saison 2, disponible depuis jeudi sur France.tv Slash, Océan donne à entendre d’autres voix. Ci-dessous, Lexie, autrice d’Une histoire de genres, et Sorour Darabi, artiste non binaire.
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