L’enjeu abstention
Les élections régionales et départementales, dont le 1er tour aura lieu dimanche, pourraient être marquées par une forte désaffection des urnes.
Va-t-il repartir pour un tour ? Élu depuis 1998, le socialiste Alain Rousset brigue un cinquième mandat. « Je trouve que le jeu est assez ouvert et je crois que Rousset n’a jamais été aussi challengé qu’il l’est cette année », estime prudemment Jean Petaux, politologue bordelais. Ce dimanche, se tient le premier tour des élections régionales auquel participent sept autres candidats, dont certains pourraient bien lui donner du fil à retordre.
Deux des trois sondages réalisés depuis le mois de mai portent le président du conseil régional sortant en tête du premier tour mais dans le dernier, réalisé par France 3 et France Bleu par l’institut Ipsos, Edwige Diaz, la candidate du RN, le devance de deux points. « Elle est tellement sur ses talons qu’elle est donnée certaines fois devant, commente Jean Petaux. Il n’a pas les coudées aussi franches que ça, même s’il a les Verts en armée de réserve. » Nicolas Thierry, candidat EELV, vice-président à l’environnement aux côtés de Rousset ces dernières années, s’est lancé dans la bataille à la tête d’une liste écologiste. Avant le premier sondage en mai,
Alain Rousset ne cachait pas son exaspération vis-à-vis des Verts qui prennent, selon lui, facilement leurs distances avec le bilan de la majorité à laquelle ils ont appartenu et il était bien décidé à faire cavalier seul, jusqu’au bout. Mais les sondages ont peut-être entamé sa détermination. « Alain Rousset pensait certainement qu’il y aurait un différentiel plus important par rapport au RN, estime Jean Petaux. Il est condamné à passer une alliance car le RN sera trop haut, je pense. »
Si Nicolas Thierry, crédité de 9 % à 11 % selon les sondages, passe la barre des 10 % (ce qui lui permet de se maintenir au second tour) il sera en position de force pour négocier. « Clairement, Rousset va devoir alors sortir le chéquier pour l’acheter au mercato du deuxième tour », commente le politologue. Celui-ci reste cependant optimiste quant à la possibilité d’une alliance : « Je ne pense pas que Nicolas Thierry sera jusqu’au-boutiste et posera des exigences telles que ça ferait capoter une négociation d’entre-deux-tours. »
Division à droite
« À droite, c’est frappant de regarder que les scores additionnés de Florian (LR) et Darrieussecq (Modem / LREM) font le score de Rousset au premier tour, selon le dernier sondage », pointe Jean Petaux. Officiellement, il n’existe pas de projet d’alliance pour cette droite qui part divisée. Mais, si cela changeait, ce serait une difficulté supplémentaire pour le président de région sortant. Les autres candidats (Clémence Guetté pour LFI-NPA, Eddy Puyjalon pour Le Mouvement de la ruralité / Résistons et Guillaume Perchet, pour Lutte ouvrière) auront du mal à franchir la barre des 5 %, si on en croit les sondages.
Pour le politologue, Rousset n’est donc pas « dans un fauteuil ». Seule certitude : « Les calculettes vont chauffer d’ici mardi, avant le dépôt des listes pour le second tour. »
Les Français sont appelés aux urnes dimanche pour le premier tour des régionales. À moins d’un an de la présidentielle, le scrutin aura de lourdes conséquences à l’échelle nationale. 20bMinutes a sélectionné quatre points chauds à scruter dimanche soir.
VERS UN RECORD DE L’ABSTENTION ?
C’est le premier chiffre analysé les soirs d’élection. Le spectre d’une désaffection des urnes plane sur ce scrutin. Car les restrictions sanitaires liées à l’épidémie de Covid-19 ont empêché les candidats de mener une campagne classique, et entraîné le report de l’élection à la fin juin, en plein Euro de football et à quelques jours du début des vacances scolaires. Certains craignent que le record d’abstention de 2010 (à 53,7 %) soit battu.
DANS COMBIEN DE RÉGIONS LE RN ARRIVERA-T-IL EN TÊTE ?
Toutes les enquêtes d’opinion s’accordent sur une percée du RN. Le parti de Marine Le Pen est donné en tête en Paca, mais aussi en Bourgogne-Franche-Comté, en CentreVal-de-Loire, en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie. Même en Bretagne, sur des terres peu favorables au parti, Gilles Pennelle, tête de liste RN, arriverait en tête. Cette poussée du Rassemblement national pourrait entraîner, comme en 2015, la constitution de « fronts républicains » de la part des autres partis.
QUEL SCORE POUR LREM DANS LES HAUTSDE-FRANCE ?
Le président sortant des Hauts-de-France, Xavier Bertrand (LR), espère une réélection pour lancer sa candidature à la présidentielle.
En cas d’échec, il a annoncé qu’il se retirerait de la vie politique. Au coude-àcoude avec le candidat RN, Sébastien Chenu, le sort de l’ex-ministre pourrait dépendre du score de… LREM. Annoncée autour des 10 %, la candidature du secrétaire d’État Laurent Pietraszewski dépassera-t-elle ce seuil pour se maintenir au second tour ? En cas d’échec, la triangulaire pourrait permettre à Xavier Bertrand de l’emporter face au RN et à la liste d’union de la gauche de Karima Delli. En cas de quadrangulaire, le sort du président sortant, rival d’Emmanuel Macron, pourrait dépendre du maintien ou non de la liste présidentielle.
QUI SERA EN TÊTE EN ÎLE-DE-FRANCE À GAUCHE ?
La région parisienne révèle les fractures de la gauche à l’échelle nationale. La gauche, qui a perdu la région en 2015 au profit de Valérie Pécresse, se divise en trois candidatures principales : Audrey Pulvar (PS), Clémentine Autain (LFI) et Julien Bayou (EELV).L’objectif de chacun des trois ? Éviter l’humiliation d’une élimination au premier tour et arriver devant les deux autres pour prendre le leadership de l’union de la gauche face à la présidente sortante au second. Le résultat sera scruté par les états-majors des trois formations, à l’heure où chaque camp se prépare, là aussi, pour la présidentielle.