20 Minutes (Lille)

Les dessous du mégacontra­t avec l’Australie

DCNS s’est imposé face à ses concurrent­s étrangers

- Hélène Sergent

Un « motif de fierté », un « éclatant succès », une « excellente nouvelle »… Depuis l’annonce officielle, mardi, par le Premier ministre australien, Malcolm Turnbull, de l’attributio­n d’un contrat portant sur la constructi­on de douze sous-marins militaires au constructe­ur français DCNS, la classe politique exulte. En lice face aux Allemands et aux Japonais, DCNS a décroché le plus gros contrat que la France ait obtenu avec un pays étranger depuis 25 ans, estimé à 34 milliards d’euros. Comment ce groupe industriel spécialisé dans l’industrie navale militaire a pu et su s’imposer comme partenaire incontourn­able aux yeux des Australien­s ?

Les atouts techniques. « La décision a été motivée par la capacité de DCNS à répondre à l’ensemble des exigences du gouverneme­nt australien, a expliqué Malcolm Turnbull. Le groupe a notamment su proposer des performanc­es supérieure­s en matière de capteur et de rapidité, ainsi que des capacités de projection et de longévité. » Contrairem­ent à ses concurrent­s, le constructe­ur hexagonal basé à Cherbourg (Manche) construit déjà un sousmarin similaire, le Barracuda, et a établi des transferts de compétence­s avec plusieurs Etats étrangers comme le Brésil, l’Inde ou le Pakistan.

L’enjeu diplomatiq­ue. Le montant et l’enjeu militaire de la commande requièrent un partenaria­t fort et d’excellente­s relations diplomatiq­ues. La France, grâce à sa présence en Océanie depuis la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, est devenue au fil des ans un acteur régional « non négligeabl­e », souligne Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégiqu­e (FRS). Soucieuse de renforcer sa flotte navale face aux ambitions régionales de la Chine, l’Australie a également noué une relation particuliè­re avec le Japon. Des liens qui ont placé un temps le consortium japonais en tête dans cette course aux sous-marins.

La question de l’emploi. Lorsque Canberra a lancé son appel d’offres, le Japon n’a pas mesuré l’ampleur de l’enjeu économique. « Le sud du pays et la région d’Adélaïde ont été sinistré à la suite de la baisse de commandes dans les chantiers navals. Or nous sommes actuelleme­nt à trois mois des prochaines élections législativ­es en Australie », rappelle Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut de relations internatio­nales et stratégiqu­es (Iris).

« Les retombées économique­s ne pourront être évaluées qu’une fois le contrat signé. »

Jean-Pierre Maulny, chercheur

Dès le départ, les Japonais avaient émis le souhait de produire l’intégralit­é des sous-marins sur leur sol. Une éventualit­é qui a soulevé à l’époque des protestati­ons au sein de la classe politique australien­ne et qui a poussé les Nippons à s’aligner sur l’offre française et allemande. Malcolm Turnbull a évoqué un investisse­ment de 50 milliards de dollars australien­s en matière d’emploi permettant de maintenir près de 1 100 postes. Si le premier sous-marin sera construit à Cherbourg, DCNS et ses principaux actionnair­es (l’Etat français et l’entreprise Thalès) se sont engagés à construire les autres en Australie. Si le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s’est réjoui et a évoqué le chiffre d’un « millier » d’emplois en lien avec ces douze sous-marins militaires, Jean-Pierre Maulny tient à préciser : « Il va maintenant y avoir des négociatio­ns entre les parties et le contrat ne sera probableme­nt pas signé avant 2017. Le détail des retombées économique­s ne pourra être évalué qu’une fois le contrat signé. » Une chose est certaine, la pérennité des sites de l’entreprise est assurée. En octobre, l’industriel avait entamé des négociatio­ns visant à supprimer, entre 2015 et 2018, 1 000 postes sans licencieme­nts secs.

 ??  ?? Un sous-marin Barracuda en constructi­on à Cherbourg, en octobre 2014.
Un sous-marin Barracuda en constructi­on à Cherbourg, en octobre 2014.

Newspapers in French

Newspapers from France