20 Minutes (Lille)

Le travail de sape des candidats

Les vêtements de Clinton et Trump sont un moyen de convaincre les électeurs

- Anne Demoulin

Une guerre silencieus­e et codée. Les deux candidats à l’élection présidenti­elle américaine misent aussi sur leurs vêtements pour convaincre les électeurs qu’ils peuvent endosser le costume de président. Comment l’élection américaine se joue aussi sur les fringues ? Avec ses costumes de Golden boy des années 1980, son improbable brushing et son teint orange, Donald Trump a été beaucoup moqué au début de la campagne. Lors du second débat télévisé, le républicai­n a subtilemen­t déployé les couleurs du drapeau américain, avec un costume bleu nuit classique aux larges épaules, une chemise blanche et une cravate rouge. Une façon très réussie d’incarner assez littéralem­ent son slogan « Make America Great Again ». Mais c’est le look de son épouse qui a alors attiré les commentair­es. La trop ravalée Melania Trump est tristement apparue vêtue d’un « Pussy Bow », un noeud Lavallière, qui faisait étrangemen­t écho aux propos sexistes de Trump en 2005 et son « I’ll grab her by the pussy » (« J’attrape les femmes par la chatte »). Le candidat a donc peaufiné son look : sa mèche rebelle s’est (enfin !) considérab­lement raccourcie tandis que son teint s’est progressiv­ement éclairci. A la veille des élections, Donald Trump a enfin enfilé le power suit présidenti­el.

Métamorpho­ses

Hillary Clinton est devenue une icône de mode. La mission n’était pas gagnée, il fallait faire oublier les lunettes à grosse monture des seventies et son look de parfaite housewife et ses serre-têtes en velours en tant que Première dame. La métamorpho­se commence au début des années 2000 lorsqu’elle se présente pour le siège de sénatrice de New York. Hillary Clinton mise sur le tailleur-pantalon de couleur vive aux jambes larges. Un uniforme qui a subtilemen­t accompagné les messages de la candidate démocrate durant cette campagne. Durant la primaire, elle apparaît en tailleur orange, assortie aux couleurs de sa campagne. Pour l’annonce officielle de sa nomination en tant que candidate démocrate, elle apparaît en tailleur blanc. La couleur de la virginité, c’est un nouveau départ. Hillary Clinton pousse son rival dans les cordes avec maestria dans un tailleur quasi monacal rouge, la couleur des empereurs, des cardinaux, bref, la couleur du pouvoir. Une équipe pointue la conseille. La candidate a engagé Kristina Schake, l’une des anciennes stylistes de Michelle Obama, et, selon le New York Post, Barbara Lacy, la maquilleus­e de la série « Veep ». Le tailleur blanc du second débat, même s’il a été moqué par certains sur Twitter, était parfait. Il reprenait, après le rouge du premier débat et avant le tailleur bleu du troisième débat, les couleurs du drapeau américain. Il évoquait aussi l’uniforme des suffragett­es, clin d’oeil à l’électorat féminin peu enclin à voter pour le sexiste Donald Trump. De plus, à l’écran, comme avec le rouge, on ne voyait qu’elle. Des tailleurs aux coupes de plus en plus épurées pour signifier qu’elle ne s’éparpille pas. La candidate mise sur des vêtements sans fioriture pour que les électeurs se concentren­t sur son message. Avec ses tailleurs volontaire­ment désexualis­és, Hillary Clinton n’est pas dans la séduction, mais dans l’efficacité. Elle affirme via ses tenues irréprocha­bles qu’elle a le sérieux requis pour occuper la fonction. Quand son look aux débats est comparé à celui des stars du label hip-hop Death Row, elle rit et marque des points auprès des jeunes en lançant : « Mon look a été influencé par Death Row et bien d’autres, non ? » Le monde de la mode a voté Hillary Clinton, et Anna Wintour a mobilisé les troupes. Sur Instagram, ses looks sont célébrés sur Hillaryloo­ks. Sur le terrain de la sape, la démocrate a incontesta­blement gagné. Reste à concrétise­r dans les urnes !

« Mon look a été influencé par (le label hip-hop) Death Row et bien d’autres, non? »

Hillary Clinton

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