La victoire de l’Amérique profonde
Le milliardaire s’est déplacé au chevet des oubliés de la crise économique de 2008
Qui l’eut cru? Le désarroi des électeurs de Hillary Clinton est à la hauteur de la liesse des supporters de Donald Trump. Derrière cette lame de fond qui a secoué l’Amérique se trouvent pourtant des votants. Des hommes et des femmes qui se sont moqués de la caricature faite du personnage depuis son lancement dans la bataille, tout comme des scandales à répétition qui ont émaillé ses cinq cents jours de campagne. Le culot du candidat a fait rire, agacé, voire dégoûté bien souvent, mais c’était sans compter sur l’effet boule de neige des convaincus de la première heure. L’Amérique a parlé. Cette Amérique que les dirigeants de la plus grande puissance du monde n’ont sans doute pas assez écoutée. Peut-être l’ont-ils même ignorée. Ce sont les classes moyennes déçues du voyage qui ne se sont jamais remises de la crise économique malgré une relance assurée. « Trump est un businessman, s’enthousiasme Milos, propriétaire d’une boutique d’électronique dans le quartier grec du Queens, à New York. Il saura faire ce qu’il faut pour rendre le pays plus fort. Ce n’est pas du tout le gars qu’on veut bien décrire. Moi, je vois très bien ce qu’il a dans la tête. Les gens n’ont plus d’argent. Ce n’est plus comme avant. On travaille nuit et jour pour payer les factures et les taxes, c’est tout. » « Ce qui compte pour moi, c’est ce qu’il y a sur mon compte en banque, renchérit Dan, jeune investisseur californien d’origine indienne. En France, vous êtes socialistes, ici, on est capitalistes. » Le magnat de l’immobilier a su ratisser large et en profondeur, à la ville comme à la campagne. « Donald Trump est allé partout et dans des comtés les plus reculés, atteste Mike, membre du staff républicain. Il a rencontré des gens qui n’avaient pas croisé un élu depuis des années. Il s’est adressé à chacun, un par un. » Cette Amérique très conservatrice, blanche, isolée et armée, s’est vite laissé prendre au jeu, faisant prendre racine au fameux slogan « Make America great again » sur les terres les plus arides mais pas seulement. Les voix des femmes ont elles aussi compté dans la victoire du milliardaire et ce, contre vents et marées. « Je voterai Trump, clamait encore dimanche au pied de la tour du candidat, Melissa, une affiche rose fluo à la main. Il parle de l’Amérique et veut nous aider. Il a toutes les chances de gagner. » Robbi, une Afro-Américaine du Bronx, n’a pas hésité : « Cela faisait trente ans que je n’avais pas voté, cette fois, j’ai donné ma voix à Trump. » La communauté latino-américaine ellemême s’est laissé emporter par l’enthousiasme débridé du candidat au style cash qui maintenait le projet de construction du mur avec le Mexique il y a encore trois jours. Reste à savoir ce que le nouveau résident de la MaisonBlanche prévoit de réaliser. Surveillant le démontage de la scène sur laquelle Hillary Clinton n’est jamais apparue, Mily, agent de sécurité d’origine dominicaine, avançait timidement mardi soir : « Je ne veux même pas y penser. »
« Certains n’avaient pas croisé un élu depuis des années. » Mike, partisan républicain