20 Minutes (Lille)

«L’important, c’est d’être un vrai dur»

Dans une interview exclusive à «20 Minutes», Alain Juppé attaque frontaleme­nt François Fillon, dont il assure que le programme est voué à l’«échec».

- Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud et Thibaut Le Gal

Le maire de Bordeaux a toujours la « super pêche ». Alain Juppé , qui accuse un retard de 15 points sur François Fillon au premier tour de la primaire de la droite et du centre, se dit « conscient de la difficulté de la tâche ». Pour remporter le scrutin dimanche, il torpille le programme de son adversaire. 20 Minutes l’a rencontré, mardi, à son QG parisien.

Avez-vous été surpris par le résultat du premier tour?

Cet écart reste difficilem­ent explicable. J’ai entendu dire que beaucoup d’électeurs ont voté François Fillon pour s’assurer de l’éliminatio­n de Nicolas Sarkozy. Mais il peut y avoir une autre surprise, dimanche.

Vous avez parlé de « torrents d’injures » pendant cette campagne...

J’ai été visé par une campagne ignominieu­se. On m’a accusé d’avoir construit à Bordeaux une mosquée à coups d’argent public. Elle n’existe pas. J’ai été baptisé « Ali Juppé » et « le grand mufti de Bordeaux ». Troisième accusation dégueulass­e, celle d’une complicité avec le salafisme et l’antisémiti­sme… J’ai sous-estimé ces attaques qui ont eu un impact dans une partie de l’électorat. En quoi le projet économique de François Fillon serait-il « irréaliste »? Son programme est d’une telle brutalité qu’il aboutira à l’échec. Cinq cent mille suppressio­ns de postes de fonctionna­ires ou d’emplois publics, c’est impossible. Ça signifiera­it que, pendant cinq ans, on ne remplace aucun départ à la retraite, aucun policier, aucune infirmière, aucun professeur. Par ailleurs, je propose que l’on passe à 39 heures, mais en se donnant le temps de la négociatio­n dans le secteur privé, comme dans la fonction publique. Il faut que François Fillon précise ses intentions : veut-il 39 heures payées 35 ? Payées 37 ? Payées 39? Cette dernière hypothèse ferait exploser la masse salariale des trois fonctions publiques. Pour l’ensemble des fonctionna­ires, ce serait 20 milliards de dépenses supplément­aires. Nous ne les avons pas.

Sur la sécurité, François Fillon peut capter un électorat qui se reconnaiss­ait en Nicolas Sarkozy…

Mes propositio­ns sont plus cohérentes que les siennes. Refuser d’augmenter les effectifs de police et de justice est une grave erreur : François Fillon ne se donne pas les moyens d’avoir une véritable politique de sécurité. Peut-être parce qu’il en a supprimé 10000 et qu’il ne veut pas se contredire… Quand j’ai publié mon livre Pour un Etat fort, on a dit que j’avais mis la barre à droite toute. Je propose des choix clairs : donner à la police et à la gendarmeri­e les moyens d’appréhende­r ceux qui violent la loi, durcir la réponse pénale et donner les moyens à la justice de la mettre en oeuvre, et construire 10000 places de prison pour incarcérer tous ceux qui doivent l’être au lieu de peines de substituti­on faute de places.

« Le programme de François Fillon est d’une telle brutalité qu’il sera un échec. » « Revenir sur le mariage pour tous est un débat inutile. »

Sur les questions de société, votre adversaire est-il « réactionna­ire »?

Il a des positions tournées vers le passé. Ma conception de la femme dans la société est plus moderne. Il a dit, par exemple, être contre l’IVG à titre personnel. Pour moi, c’est un droit fondamenta­l. Enfin, je ne suis pas soutenu par Sens commun, un mouvement politique qui a une vision réactionna­ire de la société. Revenir sur le mariage pour tous est un débat inutile.

Pour certains électeurs, François Fillon apparaît plus dur que vous…

L’important, c’est d’être un vrai dur, pas un faux dur… Entre 2007 et 2012, quelles sont les réformes fondamenta­les qui ont été faites en matière de sécurité, de liberté pour les entreprise­s ou encore de fiscalité? Il paraît que je suis mou… je ne m’étriperai pas avec François Fillon là-dessus. J’ai un programme cohérent, faisable, crédible, et je dis que le sien ne l’est pas. Aux Français de juger qui est dur et qui ne l’est pas. C’est bien beau d’apparaître dur en proposant des choses qu’on ne pourra pas faire.

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Alain Juppé laisse les Français « juger qui est dur et qui ne l’est pas ».

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