20 Minutes (Lille)

Le feu de l’amour

L’arme utlisée par Verlaine pour tirer sur Rimbaud est mise aux enchères ce mercredi

- Florence Floux

En 1873, le poète Paul Verlaine blessa par balles son amant Arthur Rimbaud. Retour sur le revolver le plus célèbre de la littératur­e, mis aux enchères à Paris.

«Voilà pour toi, puisque tu pars », lance Paul Verlaine avant d’appuyer sur la gâchette. En joue, un autre génie de la poésie : Arthur Rimbaud. L’arme vendue aux enchères par Christie’s à Paris, ce mercredi, est peut-être le seul revolver au monde à offrir à la fois une incursion dans le fait divers et l’histoire littéraire française.

Passion, alcool, violence

Ce qui est resté comme « l’affaire de Bruxelles » trouve son origine dans la relation passionnel­le des deux jeunes hommes, qui se sont rencontrés en 1871. Les amants passent leur temps à boire, se disputent violemment et se séparent souvent. Le 10 juillet 1873, Verlaine achète dans une armurerie de Bruxelles un revolver à six coups et des cartouches. La veille, après une énième querelle, Rimbaud a de nouveau exprimé le souhait de le quitter. Verlaine songe à se suicider et rentre à l’hôtel. « Là, tout s’enchaîne. Paul ferme à clef la porte qui donne sur le palier, s’assied à califourch­on sur une chaise et tire sur Rimbaud », en l’atteignant au poignet gauche, raconte Bernard Bousmanne, auteur de Verlaine en Belgique (Ed. Mardaga). Dans ce livre sont publiés des extraits de la déposition de Rimbaud devant le juge d’instructio­n : « Il me mit son pistolet dans les mains et m’engagea à le lui décharger sur sa tempe. Son attitude était celle d’un profond regret de ce qui lui était arrivé. »

Une fois soigné, le jeune homme reprend ses projets de départ. Sur le chemin de la gare, Verlaine menace à nouveau son amant avec l’arme qu’il a conservée. Rimbaud prend peur et fait signe à un policier. Tout le monde est envoyé au poste. S’ensuit un procès où « le juge fait payer à Verlaine ses sympathies pour les idées politiques libérales et sa relation homosexuel­le », détaille Isabelle de Conihout, directrice du départemen­t des livres et manuscrits chez Christie’s. Verlaine est finalement condamné pour « blessures graves ayant entraîné une incapacité de travail ».

Rentré en France, Rimbaud écrit son chef-d’oeuvre : Une saison en enfer. Verlaine, lui, purge ses deux ans d’incarcérat­ion à Mons, où il compose une trentaine de poèmes qui paraîtront sous le titre Cellulaire­ment. « L’arme mise en vente est de fabricatio­n industriel­le, mais elle est à la base de chefsd’oeuvre : Cellulaire­ment, Une saison en enfer. C’est l’épisode final d’une relation tumultueus­e », constate Isabelle de Conihout. Les deux poètes moururent sans jamais se revoir. Reste le revolver pour dernier témoin de l’« affaire de Bruxelles », mis à prix entre 50 000 et 60 000 €.

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Ce pistolet du XIXe siècle est mis à prix entre 50 000 et 60 000 €.

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