« Mozart in the jungle » fait feu de tout hautbois
Dans « Mozart in the Jungle », Hailey est-elle une caricature?
Quelle folie nous réserve encore la ravissante et lunaire Hailey? La jeune hautboïste (joueuse de hautbois) est l’héroïne de la série d’Amazon « Mozart in the Jungle », honorée lors des Golden Globes 2016, dont la saison 3 débutait lundi sur OCS. On y retrouvera l’orchestre philharmonique dirigé par un Gael García Bernal dément et cette fois aux prises avec une cantatrice interprétée par Monica Bellucci. Au milieu émerge Hailey, interprétée par Lola Kirke, hautboïste fraîche, talentueuse et un peu folle. Son personnage reprend un cliché profondément ancré dans les orchestres : le hautboïste est fou. Sur son site, l’Association française de hautbois pose la question : « Le hautbois rend-il fou ou faut-il être fou pour jouer du hautbois? » Dans le roman qui a inspiré la série « Mozart in the Jungle », Blair Tindall, elle-même hautboïste en orchestre, raconte plusieurs anecdotes sur ces musiciens devenus fous à cause de cet instrument si particulier et mal aimé d’une partie de l’orchestre. Dans son hilarante nouvelle Ma mère a épousé un hautboïste, Paul de Vergie, fils de Jean de Vergie, second hautbois de l’orchestre symphonique de Boston au début du XXe siècle, expliquait : « Le public aime à croire que tous les hautboïstes sont fous ; le pupitre des violons dans sa totalité les déteste profondément ; leurs femmes et leurs enfants se réjouissent de leur absence du domicile ; et un charmeur de serpent tenant dans ses mains un cobra soyeux n’a pas autant de soucis qu’un hautboïste aux prises avec son instrument. » La fragilité et l’extrême versatilité du hautbois sont les principales raisons pour lesquelles les hautboïstes deviendraient fous. Un second violon, qui garde prudemment l’anonymat, ose même une explication : « Ils n’ont peutêtre pas le cerveau bien irrigué à force de souffler dans leur truc. » Une violoncelliste note que les hautboïstes suscitent la jalousie parce qu’ils deviennent souvent chef d’orchestre grâce à leurs qualités de meneurs et leur capacité à être « toujours un peu au-dessus de l’orchestre au niveau de l’écoute ». « Le hautbois est l’instrument qui a de très loin les plus grandes variables à cause des anches fabriquées en roseau, explique David Walter, professeur de hautbois au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Cela génère une inquiétude plus ou moins permanente qui peut chez certains sujets tourner à des humeurs girouette, voire à l’obsessionnel. » Alice Barat, hautboïste de l’orchestre Colonne, reconnaît que les hautboïstes sont maniaques : « On doit toujours s’occuper de notre instrument. On passe par exemple beaucoup de temps à l’accorder avant les concerts. C’est le hautbois qui donne le la au reste de l’orchestre en début de concert. C’est très gratifiant, mais tout ça peut nous éloigner des autres musiciens. Un joueur de hautbois pense tout le temps au son de son instrument, à ses anches, à la température… Personne ne peut vraiment comprendre ce qu’on vit. » A mots couverts, les musiciens reconnaissent que les clichés, entretenus par les hautboïstes eux-mêmes, sur l’instrument des fous sont l’une des plaisanteries récurrentes qui pimentent la vie des orchestres.
« Ils n’ont pas le cerveau bien irrigué à force de souffler dans leur truc. »
Un second violon anonyme