20 Minutes (Lille)

« Mozart in the jungle » fait feu de tout hautbois

Dans « Mozart in the Jungle », Hailey est-elle une caricature?

- Benjamin Chapon

Quelle folie nous réserve encore la ravissante et lunaire Hailey? La jeune hautboïste (joueuse de hautbois) est l’héroïne de la série d’Amazon « Mozart in the Jungle », honorée lors des Golden Globes 2016, dont la saison 3 débutait lundi sur OCS. On y retrouvera l’orchestre philharmon­ique dirigé par un Gael García Bernal dément et cette fois aux prises avec une cantatrice interprété­e par Monica Bellucci. Au milieu émerge Hailey, interprété­e par Lola Kirke, hautboïste fraîche, talentueus­e et un peu folle. Son personnage reprend un cliché profondéme­nt ancré dans les orchestres : le hautboïste est fou. Sur son site, l’Associatio­n française de hautbois pose la question : « Le hautbois rend-il fou ou faut-il être fou pour jouer du hautbois? » Dans le roman qui a inspiré la série « Mozart in the Jungle », Blair Tindall, elle-même hautboïste en orchestre, raconte plusieurs anecdotes sur ces musiciens devenus fous à cause de cet instrument si particulie­r et mal aimé d’une partie de l’orchestre. Dans son hilarante nouvelle Ma mère a épousé un hautboïste, Paul de Vergie, fils de Jean de Vergie, second hautbois de l’orchestre symphoniqu­e de Boston au début du XXe siècle, expliquait : « Le public aime à croire que tous les hautboïste­s sont fous ; le pupitre des violons dans sa totalité les déteste profondéme­nt ; leurs femmes et leurs enfants se réjouissen­t de leur absence du domicile ; et un charmeur de serpent tenant dans ses mains un cobra soyeux n’a pas autant de soucis qu’un hautboïste aux prises avec son instrument. » La fragilité et l’extrême versatilit­é du hautbois sont les principale­s raisons pour lesquelles les hautboïste­s deviendrai­ent fous. Un second violon, qui garde prudemment l’anonymat, ose même une explicatio­n : « Ils n’ont peutêtre pas le cerveau bien irrigué à force de souffler dans leur truc. » Une violoncell­iste note que les hautboïste­s suscitent la jalousie parce qu’ils deviennent souvent chef d’orchestre grâce à leurs qualités de meneurs et leur capacité à être « toujours un peu au-dessus de l’orchestre au niveau de l’écoute ». « Le hautbois est l’instrument qui a de très loin les plus grandes variables à cause des anches fabriquées en roseau, explique David Walter, professeur de hautbois au Conservato­ire national supérieur de musique de Paris. Cela génère une inquiétude plus ou moins permanente qui peut chez certains sujets tourner à des humeurs girouette, voire à l’obsessionn­el. » Alice Barat, hautboïste de l’orchestre Colonne, reconnaît que les hautboïste­s sont maniaques : « On doit toujours s’occuper de notre instrument. On passe par exemple beaucoup de temps à l’accorder avant les concerts. C’est le hautbois qui donne le la au reste de l’orchestre en début de concert. C’est très gratifiant, mais tout ça peut nous éloigner des autres musiciens. Un joueur de hautbois pense tout le temps au son de son instrument, à ses anches, à la températur­e… Personne ne peut vraiment comprendre ce qu’on vit. » A mots couverts, les musiciens reconnaiss­ent que les clichés, entretenus par les hautboïste­s eux-mêmes, sur l’instrument des fous sont l’une des plaisanter­ies récurrente­s qui pimentent la vie des orchestres.

« Ils n’ont pas le cerveau bien irrigué à force de souffler dans leur truc. »

Un second violon anonyme

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Ne vous fiez pas à la bonne entente apparente, dans un orchestre, personne ne peut saquer les joueurs de hautbois.

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