Au coeur de l’horreur
Depuis cinq ans, les actes de guerre persistent en Syrie. A ce jour, 310000 civils ont été tués. Cahier spécial.
Dans la nuit de lundi à mardi, il suffisait de taper Alep ou Aleppo sur Twitter pour mesurer l’ampleur de l’autre bataille qui se jouait en Syrie. Une bataille de mots, d’images et de vidéos qui ont opposé, lors de la chute d’Alep-est aux mains de l’armée de Damas, des millions d’internautes devenus relais de chaque camp, proBachar al-Assad contre opposition. Alors, qui croire, qui lire et que comprendre à cette guerre de propagande entamée il y a cinq ans?
Manipulations
A Alep, « activistes », « journalistes citoyens » bénévoles, médecins, universitaires ou groupes armés décrivent chaque jour sur Twitter, Facebook et WhatsApp l’évolution de la situation. Ce que n’osent plus faire la majorité des rédactions internationales, bloquées par le régime ou refroidies par le décès de plusieurs reporters et photographes. Bien que recoupées par des sources humanitaires ou internationales (Croissant-Rouge, OSDH, etc), ces informations génèrent une certaine méfiance. « La situation en Syrie prouve combien nos sociétés sont imprégnées par les théories du complot post-guerre en Irak, la suspicion d’une manoeuvre américaine est très forte », analyse Ziad Majed, politologue libanais spécialiste de la Syrie et enseignant à l’université américaine de Paris. Et la massification des contenus, la machine étatique de propagande et les manipulations de l’opposition ont définitivement polarisé les deux camps. En réponse aux « opposants qui balancent aux Occidentaux l’information qui plaît aux Occidentaux, des images bouleversantes, émouvantes ou atroces », dixit François-Bernard Huyghe, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques, Bachar « va présenter une version des faits qui flirte avec l’imaginaire européen en expliquant qu’en face, ce sont des islamistes radicaux manipulés par les Etats du Golfe qui s’attaquent à un pays laïque », poursuit Ziad Majed. Est-ce que cela signifie que ce que publient la Russie et la Syrie est faux et ce que publie l’opposition est avéré ? Pas forcément. « Il peut diffuser des photographies authentiques et des chiffres corrects. Mais ils sont au service d’une propagande qui consiste à répéter 100 fois le même mensonge pour qu’il finisse par paraître crédible. »