L’ambassadeur tué ravive les luttes intestines
L’assassinat de l’ambassadeur russe à Ankara met en lumière les luttes intestines turques
Mevlüt Mert Altintas a tué, lundi soir, de plusieurs balles, l’ambassadeur russe Andreï Karlov à Ankara, affirmant vouloir venger la ville d’Alep. Le tireur de 22 ans a été abattu. Cet assassinat en direct, qui n’a pour l’instant pas fragilisé les relations russo-turques, en plein réchauffement sur la question de la Syrie, met en lumière les luttes intestines turques.
La « marque » Gülen ?
Détail gênant pour la Turquie : l’assaillant servait depuis deux ans et demi dans les forces anti-émeutes du pays. « Même si le gouvernement n’est pas impliqué, le fait qu’un individu diplômé de l’académie de police parvienne à s’infiltrer dans un institut public pour assassiner une personnalité étrangère, théoriquement sous la sécurité de l’Etat, est gravissime pour le pouvoir turc », réagit Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble. Le maire d’Ankara, Melih Gökçek, a estimé que l’assaillant pouvait être lié au réseau du prédicateur Fethullah Gülen, désigné par le gouvernement turc comme l’instigateur du putsch manqué en juillet. Un soupçon devenu une affirmation, mardi soir, lorsque le chef de la diplomatie turque a affirmé que la « bête noire d’Ankara » était bien derrière cet assassinat. Jean Marcou assure que cette attaque affaiblit Ankara en renforçant les doutes sur les récents recrutements dans son administration. « Le meurtre renvoie aux bouleversements que connaît le régime depuis plusieurs mois. La lutte entre Erdogan et la confrérie Gülen a entraîné depuis fin 2013 des purges à répétition dans l’administration. Ce changement de personnel a cassé l’esprit de corps. L’assassinat révèle une certaine fragilité d’un Etat qui était au contraire réputé pour la fiabilité de ses fonctionnaires. »