Polémiques, effet anxiogène, lassitude... Deux ans après, où est « Charlie » ?
Il y a deux ans, les Français réagissaient dans la rue à l’horreur
Peu de Parisiens se sont rendus, samedi soir, place de la République, où était commémorée la première vague d’attentats qui a touché la France en janvier 2015. Quatre jours après l’attaque de Charlie Hebdo, les Français avaient été plus de 4 millions à descendre dans la rue pour une « marche républicaine »… « Il y a probablement une forme de lassitude de tout ce qui est commémoration et terrorisme. C’est trop anxiogène », analyse Guillaume Denoix de Saint-Marc, de l’association française des victimes de terrorisme (AFVT). Pour le politologue Thomas Guénolé, « on assiste à une mithridatisation* de la société. Après les attentats de janvier, les gens sont restés traumatisés un mois. Après le 13-Novembre, le choc a duré quelques semaines et, après le 14-Juillet (à Nice), le temps de récupération a été encore plus rapide. »
Un message brouillé
L’historien Jean Garrigues observe, lui, la déperdition « de l’effet d’unité et de rassemblement autour des valeurs démocratiques qui a suivi les attentats de janvier 2015 ». En cause, notamment, les polémiques autour de « la déchéance de nationalité, le burkini… qui ont brouillé le message du 11 janvier de défense des valeurs républicaines. » La récupération politique de « l’esprit Charlie » n’a pas aidé à la survivance de l’émotion spontanée qui s’était exprimée début 2015. « On a vu trop de gardiens autoproclamés de cet esprit, qui ont joué les gendarmes de la conformité. Cette récupération politique a dénaturé le message du 11 janvier », renchérit Thomas Guénolé. Pourtant, tout n’a pas disparu. « La liberté d’expression en général est devenue sacrée, en particulier celle des caricaturistes. » Du côté des victimes, on veut croire que l’esprit de 2015 n’est pas mort. « Les gens sont prêts à mouiller la chemise pour défendre nos valeurs, mais il faut réveiller cet esprit, estime Guillaume Denoix de SaintMarc. Le problème, c’est qu’ils sont désemparés parce qu’ils ne savent pas comment agir. » Dans son livre Génération gueule de bois, Raphaël Glucksmann prophétisait : « Si nous n’éveillons plus le désir d’agir et de penser en démocrate, nous nous réveillerons bientôt dans un pays, une civilisation fort différents. Les millions de citoyens descendus dans les rues en 2015 sont un début. Le combat ne fait que commencer. »