« La France doit protéger ses terres agricoles »
Le député (PS) a déposé une proposition de loi contre l’accaparement foncier
Défendre le modèle agricole français. Telle est l’ambition du député PS Dominique Potier, qui a déposé une proposition de loi visant à lutter contre « l’accaparement des terres agricoles ». Elle sera examinée ce mercredi par la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, puis en séance publique le 18 janvier. Voici les enjeux du texte.
Qu’est-ce que l’accaparement des terres agricoles ? C’est la concentration du foncier aux mains des plus puissants financièrement. Ce phénomène est en pleine expansion en France comme dans le monde et il s’effectue au détriment du renouvellement des générations d’agriculteurs. Or, en matière agricole, la France a comme projet d’avoir des fermes plutôt que des firmes. Nous voulons donc réguler le foncier afin que les terres agricoles reviennent aux agriculteurs qui souhaitent s’installer ou s’agrandir, et non aux sociétés agroalimentaires et aux fonds spéculatifs. Mais en quoi est-ce un problème que le foncier tricolore soit racheté par ces fonds et ces sociétés ? Il y a plus d’emplois et de biodiversité sur dix fermes de 100 ha que sur une seule ferme de 1 000 ha. Car l’exploitation d’une très grande surface agricole, dont l’unique dessein est l’enrichissement de son propriétaire, est conduite d’une façon simplifiée, avec seulement deux ou trois cultures. D’un autre côté, certaines sociétés et fonds acquièrent des terres agricoles en France dans le seul but d’exporter leurs productions. Dans ce cas, défendre notre foncier est un enjeu de souveraineté alimentaire.
Enfin, certains fonds spéculatifs achètent du foncier en pariant sur une augmentation de son prix. Concrètement, que proposez-vous dans ce texte ?
Le foncier est un marché régulé. Les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) sont chargées de surveiller les transactions et de donner leur aval. Mais pas pour toutes les acquisitions. Le texte que je présente doit permettre aux Safer d’intervenir sur tous les types de transaction et, si elles le jugent nécessaire, d’acheter le foncier en lieu et place des fonds spéculatifs. Les Safer, qui sont le bras armé de l’Etat et des régions, disposent des fonds propres qui leur permettent de mener à bien ce genre d’opération. L’objectif n’est pas d’interdire l’acquisition d’une terre par une société, mais d’éviter les abus et de donner la priorité d’achat aux paysans. Vous aviez déjà proposé cette mesure dans le projet de loi Sapin 2, mais le Conseil constitutionnel avait retoqué cet article… Effectivement, mais seulement pour des raisons de forme et non de fond : il estimait que cet article n’avait pas sa place dans la loi Sapin 2, dont l’objectif était de lutter contre la corruption et pour la transparence. Votre proposition de loi peut donc ne pas passer à nouveau…
Je suis certain que ce texte, qui est fortement soutenu par le gouvernement, sera adopté par le Parlement. Je pense qu’il obtiendra même une très large majorité. Le Conseil constitutionnel devra ensuite se prononcer sur le fond et je suis confiant quant à sa décision. L’accaparement des terres agricoles est un phénomène encore limité mais exponentiel, c’est donc maintenant qu’il faut le tarir.
« L’objectif est d’éviter les abus et de donner la priorité aux paysans. »