20 Minutes (Lille)

« Quelle responsabi­lité pour les robots?»

L’avocat revient sur les enjeux juridiques de l’intelligen­ce artificiel­le

- Propos recueillis par Annabelle Laurent

Les robots bientôt l’objet d’une loi européenne ? C’est en tout cas l’une des propositio­ns du rapport de l’eurodéputé­e Mady Delvaux adoptée le 12 janvier au Parlement européen. 20 Minutes a profité d’une conférence donnée par Arnaud Touati, associé fondateur du cabinet Alto Avocats, dédiée à l’intelligen­ce artificiel­le et à son appropriat­ion du langage naturel, pour solliciter son éclairage.

Quand un robot commet un dommage, est-il responsabl­e ? Le rapport pose la question d’une « responsabi­lité civile des robots »...

Créer une personnali­té juridique pour les robots présente un avantage majeur : la mise en place d’un régime d’assurance obligatoir­e, inspiré de celui des automobile­s, qui permettra de garantir un dédommagem­ent. La responsabi­lité de l’homme ne sera pas forcément écartée : plus le robot est sophistiqu­é, plus la responsabi­lité de son concepteur pourrait être engagée. Mais l’idée d’une responsabi­lité civile des robots pourrait créer une forme de déresponsa­bilisation de ceux qui conçoivent les robots et les algorithme­s. L’intelligen­ce artificiel­le peut toujours être rattachée à l’humain. Cette responsabi­lité ne règle donc pas la question de savoir vers quel humain se retourner. Le rapport préconise d’engager la responsabi­lité du concepteur de l’algorithme. Si un robot renverse une vieille dame dans la rue, quid de la responsabi­lité éventuelle du constructe­ur ? Les questions restent en suspens.

On ne peut pas punir un robot… Comment peut-on concrèteme­nt imaginer ses « droits et devoirs » ?

C’est là qu’on entre un peu dans la science-fiction…. En dotant les robots d’une personnali­té juridique fictionnel­le, on ouvre une boîte de Pandore. On les soumet à des critères qui ne sont pas forcément tous adaptés : une naissance et une mort, une identité propre, un état civil qui pourrait prendre la forme d’une immatricul­ation, et des droits et des devoirs. Techniquem­ent, l’octroi d’une personnali­té juridique au robot serait susceptibl­e de lui permettre de soutenir une action en justice. Cela risquerait d’entraîner plus de difficulté­s que d’en résoudre. En matière de devoirs, le rapport se contente de mentionner comme unique devoir des robots celui de réparer tout dommage causé à un tiers.

Vous estimez que le rapport s’attarde trop peu sur la question de la protection des données…

J’estime qu’il y a une problémati­que considérab­le de protection des données qui accompagne l’arrivée des robots et des assistants personnels [capables de nous comprendre, de nous répondre ou d’anticiper nos attentes grâce à l’intelligen­ce artificiel­le]. Quand vous faites entrer une borne Amazon Echo chez vous, vous lui donnez accès à l’intérieur de votre maison, à ce qui s’y dit, comme l’a récemment démontré le fait divers d’une borne témoin d’un meurtre. Un règlement européen a été récemment adopté sur le sujet de la collecte des données par les objets connectés, mais sa mise en oeuvre effective a été reportée à 2018. A mon sens, nous devrions exiger que les données collectées en Europe soient exclusivem­ent stockées sur des serveurs européens pour plus de contrôle et de sécurité, à l’image de ce qui se fait en Russie.

Que pensez-vous du code de bonne conduite plaidé par le rapport pour s’assurer que les robots seront bien au service de l’homme ?

C’est une initiative louable, mais il faut voir si c’est un outil juridiquem­ent contraigna­nt pour les intervenan­ts. Notons que les plus alarmistes sur l’IA (Bill Gates, Steve Wozniak…) sont ceux qui travaillen­t le plus dessus. Le Parlement se réveille enfin, et c’est une excellente nouvelle.

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Le robot d’Ubtech, Unveils Lynx, de type humanoïde.

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