La violence est de sortie
Insultes, menaces, enquêtes sur les réseaux sociaux... A l’extérieur des établissements pénitentiaires, d’anciens détenus traquent les surveillants jusqu’à leur domicile.
«Tu te souviens de nous? » P., 36 ans, n’avait effectivement pas oublié leur visage. Dimanche, ce surveillant pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) a été violemment agressé devant chez lui par trois hommes qu’il a identifiés comme étant d’anciens détenus. « C’est un scénario que nous craignons depuis longtemps », confie Stéphane Barraut, secrétaire général adjoint du syndicat Ufap-Unsa.
« Souffre-douleur »
Dans les coursives des maisons d’arrêt, la violence aussi bien physique que verbale n’est pas une problématique nouvelle. « Ça fait malheureusement partie du métier », résume Ahmed El Hoummass, secrétaire CGT à la prison de Fresnes. Les insultes et les menaces de mort sont quasiment quotidiennes. Et les passages à l’acte, ou en tout cas les tentatives, ne sont pas si rares. La semaine dernière, un détenu de Boisd’Arcy (Yvelines) s’est jeté sur deux gardiens avec un bris de miroir. Il avait pris soin d’enduire son corps d’huile pour être plus difficilement maîtrisé. « On est leurs souffre-douleur parce qu’on représente l’autorité, poursuit le délégué syndical. A leurs yeux, on est responsable de ce qu’il leur arrive. » La nouveauté, c’est que la menace n’est plus uniquement dans l’enceinte des prisons. « Certains détenus nous disent : “Je sais où tu habites, où travaille ta femme, dans quelle école vont tes enfants”. Et ce ne sont pas que des paroles en l’air », assure Stéphane Barraut. « Ils mettent leurs proches à contribution pour nous suivre », explique Ahmed El Hoummass, ou mènent leur enquête sur les réseaux sociaux… Que veulent-ils ? Certains réclament que les gardiens ferment les yeux sur certaines pratiques (l’usage du portable, la consommation de cannabis…), d’autres veulent simplement se « venger » après une remontrance. L’inquiétude est montée d’un cran, en juin, lorsque Larossi Abballa, le djihadiste qui a assassiné un couple de policiers chez eux, à Magnanville (Yvelines), a explicitement visé les agents dans son message de revendication sur Facebook Live : « Je vous appelle à privilégier les policiers, les surveillants pénitenciers [sic], les journalistes (…). » Deux mois plus tard, un détenu radicalisé de la prison d’Osny (Val-d’Oise) blessait deux gardiens avec une arme fabriquée dans sa cellule. A la peur se mêle la colère. Les gardiens se sentent délaissés. Le personnel est en souseffectif alors même que la population carcérale ne cesse d’augmenter. « On est de plus en plus exposé et on a de moins en moins de possibilités pour agir », déplore Stéphane Barraut.