20 Minutes (Lille)

La violence est de sortie

Insultes, menaces, enquêtes sur les réseaux sociaux... A l’extérieur des établissem­ents pénitentia­ires, d’anciens détenus traquent les surveillan­ts jusqu’à leur domicile.

- Camille Politi

«Tu te souviens de nous? » P., 36 ans, n’avait effectivem­ent pas oublié leur visage. Dimanche, ce surveillan­t pénitentia­ire de Fresnes (Val-de-Marne) a été violemment agressé devant chez lui par trois hommes qu’il a identifiés comme étant d’anciens détenus. « C’est un scénario que nous craignons depuis longtemps », confie Stéphane Barraut, secrétaire général adjoint du syndicat Ufap-Unsa.

« Souffre-douleur »

Dans les coursives des maisons d’arrêt, la violence aussi bien physique que verbale n’est pas une problémati­que nouvelle. « Ça fait malheureus­ement partie du métier », résume Ahmed El Hoummass, secrétaire CGT à la prison de Fresnes. Les insultes et les menaces de mort sont quasiment quotidienn­es. Et les passages à l’acte, ou en tout cas les tentatives, ne sont pas si rares. La semaine dernière, un détenu de Boisd’Arcy (Yvelines) s’est jeté sur deux gardiens avec un bris de miroir. Il avait pris soin d’enduire son corps d’huile pour être plus difficilem­ent maîtrisé. « On est leurs souffre-douleur parce qu’on représente l’autorité, poursuit le délégué syndical. A leurs yeux, on est responsabl­e de ce qu’il leur arrive. » La nouveauté, c’est que la menace n’est plus uniquement dans l’enceinte des prisons. « Certains détenus nous disent : “Je sais où tu habites, où travaille ta femme, dans quelle école vont tes enfants”. Et ce ne sont pas que des paroles en l’air », assure Stéphane Barraut. « Ils mettent leurs proches à contributi­on pour nous suivre », explique Ahmed El Hoummass, ou mènent leur enquête sur les réseaux sociaux… Que veulent-ils ? Certains réclament que les gardiens ferment les yeux sur certaines pratiques (l’usage du portable, la consommati­on de cannabis…), d’autres veulent simplement se « venger » après une remontranc­e. L’inquiétude est montée d’un cran, en juin, lorsque Larossi Abballa, le djihadiste qui a assassiné un couple de policiers chez eux, à Magnanvill­e (Yvelines), a explicitem­ent visé les agents dans son message de revendicat­ion sur Facebook Live : « Je vous appelle à privilégie­r les policiers, les surveillan­ts pénitencie­rs [sic], les journalist­es (…). » Deux mois plus tard, un détenu radicalisé de la prison d’Osny (Val-d’Oise) blessait deux gardiens avec une arme fabriquée dans sa cellule. A la peur se mêle la colère. Les gardiens se sentent délaissés. Le personnel est en souseffect­if alors même que la population carcérale ne cesse d’augmenter. « On est de plus en plus exposé et on a de moins en moins de possibilit­és pour agir », déplore Stéphane Barraut.

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Face à la surpopulat­ion carcérale, les surveillan­ts se sentent désarmés.

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