20 Minutes (Lille)

Ferrand brouille la loi de moralisati­on de Bayrou

Le garde des Sceaux a présenté, jeudi, son projet de loi

- Thibaut Le Gal

Il n’avait pas encore dit un mot sur l’affaire qui empoisonne l’exécutif depuis plusieurs jours. François Bayrou avait décidé de s’en tenir à cette ligne, jeudi, au moment de dévoiler sa loi de moralisati­on de la vie publique. Mais la présentati­on du projet, promis de longue date par Emmanuel Macron, est arrivée au pire des moments pour le gouverneme­nt. Dans la matinée, le parquet de Brest a ouvert une enquête préliminai­re dans l’affaire impliquant Richard Ferrand. Il est reproché au ministre de la Cohésion des territoire­s d’avoir permis à sa compagne d’emporter un marché immobilier lors de la location d’un logement commercial par une mutuelle dont il était le directeur.

Redonner confiance

Alors, d’emblée, le garde des Sceaux a tenté de prévenir toute ambiguïté : « Les institutio­ns ne sont pas faites pour rendre les hommes vertueux, mais pour éviter que les faiblesses humaines ne contaminen­t le corps social. » Et d’enfoncer le clou : la loi ne portera plus le nom de « moralisati­on », mais, de « loi pour la confiance dans notre vie démocratiq­ue ». Un choix politique : le terme initialeme­nt prévu « pourrait revenir comme un boomerang », avait prévenu Edouard Philippe, selon Le Canard enchaîné. Pendant près d’une heure, le ministre de la Justice a déroulé ses propositio­ns pour que les citoyens reprennent « confiance » en leurs élus (lire ci-dessous). Un combat cher au Béarnais. Dès la campagne de 2007, le candidat à la présidenti­elle avait prévu une batterie de mesures pour moraliser la vie politique. Il avait même « proposé un référendum [en 2012] sur cette question », a-t-il rappelé jeudi. Et en 2017, le maire de Pau en faisait une condition sine qua non de son soutien à Macron. Alors, quand la première question a évoqué l’affaire Ferrand, François Bayrou a affiché un visage dépité et a dégainé le Code pénal : « La loi interdit que je puisse faire quelque commentair­e que ce soit dans des affaires individuel­les et je n’en ferai pas. » Et à chaque fois que les journalist­es sont revenus à la charge, le ministre a botté en touche, jusqu’à s’agacer : « On va mettre un peu d’ordre… D’abord les questions sur le texte, le contexte viendra après ! » Malgré toutes ces précaution­s, l’affaire Ferrand a pollué le lancement de la première grande loi du quinquenna­t. Comme un symbole, l’associatio­n anticorrup­tion Anticor, qui a salué l’ambition du projet, est aussi celle qui a adressé au parquet de Brest une plainte contre X sur le fondement du délit d’abus de confiance. Le contexte est d’autant plus brouillé qu’à quelques jours des législativ­es l’affaire est devenue une arme politique. Même Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France et cadre LR, plutôt clément avec l’exécutif, a estimé, jeudi, que la loi de moralisati­on était « aujourd’hui décrédibil­isée » par les révélation­s.

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François Bayrou n’avait pas l’intention de réagir à l’affaire Richard Ferrand.

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