20 Minutes (Lille)

Du neuf avec du vieux

Alors que l’Assemblée nationale a été renouvelée aux trois quarts, la volonté de « dégagisme » a-t-elle vraiment joué ? Pas si sûr.

- Laure Cometti

C’est le mot politique de l’année. Le « dégagisme », néologisme né lors de la révolution tunisienne de 2011 et popularisé par JeanLuc Mélenchon en début d’année, ressurgit après un scrutin qui va entraîner un bouleverse­ment jamais vu à l’Assemblée nationale depuis les législativ­es de 1958 (les premières de la Ve République). Dimanche, plus de 74 % des sièges de l’Hémicycle ont été renouvelés. « Le thème [du dégagisme] est vieux comme la démocratie, rappelle l’historien Jean Garrigues. Il a notamment été beaucoup utilisé par l’extrême droite pendant l’entre-deuxguerre­s, qui parlait alors d’antiparlem­entarisme, ou par les poujadiste­s, qui appelaient à sortir les sortants. C’est une forme de populisme. »

Au Palais-Bourbon, le « dégagisme » se traduit par un très net recul du PS et des Républicai­ns. Des partis historique­s sanctionné­s au bénéfice de LREM, qui obtient 308 sièges, un an après sa création par Emmanuel Macron. « La fulgurance de son parcours politique témoigne de l’ampleur de ce mouvement favorable au renouvelle­ment », estime Bruno Cautrès. Mais, souligne le chercheur CNRS au Cevipof et enseignant à Sciences Po Paris, « ces nouveaux députés [LREM] n’incarnent pas forcément le renouvelle­ment, il faut attendre de voir comment ils vont exercer leur mandat. Et ce renouvelle­ment n’implique pas non plus que l’Assemblée ressemble mieux à la France. La sociologie des candidats LREM est très biaisée sociologiq­uement. »

Si l’on observe les résultats dans le détail, le « dégagisme » est effectivem­ent à relativise­r. De nouveaux députés très bien rodés à la politique font ainsi leur première rentrée, comme Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon. Par ailleurs, si LR et, surtout, le PS, ont perdu de nombreux sièges, leurs députés sortants tirent leur épingle du jeu : les sortants LR représente­nt 63 sièges sur les 113 obtenus par le parti de droite, soit près de 56 %. Côté socialiste, ce taux de députés reconduits grimpe à 79 % (23 députés sortants sur un total de 29). Les quatre chefs des groupes parlementa­ires sortants (PS, LR, UDI, PC) sont réélus. D’autres « ténors » ont sauvé leur siège, comme Stéphane Le Foll (PS), Marie-George Buffet (PCF), Eric Ciotti (LR), Manuel Valls (DVG), Gilbert Collard (FN) ou Nicolas DupontAign­an (DLF). « Le réseau, l’expertise et le capital de confiance ont sauvé nombre d’élus LR », estime Jean Garrigues qui observe également qu’un « réflexe de fidélité a pu jouer au second tour ».

Ces rescapés du « dégagisme », ajoutés à l’abstention record (57,4 % au second tour des législativ­es), incitent à relativise­r cette dynamique. « Si l’abstention ne peut être interprété­e comme un signe tangent du “dégagisme”, elle montre que le lien démocratiq­ue entre les électeurs et les politiques n’a pas été totalement réparé par la présidenti­elle », observe Bruno Cautrès. « L’abstention a été plus forte au sein des électorats de partis prônant le dégagisme, comme le FN ou LFI. Le thème n’a pas été suffisamme­nt mobilisate­ur », estime Jean Garrigues, qui conclut qu’il n’a joué que « très partiellem­ent ». Le thème devrait donc revenir dans le champ politique.

LR et le PS ont eu beau perdre des sièges, leurs députés sortants ont tiré leur épingle du jeu.

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Stéphane Le Foll (PS). Marielle de Sarnez (MoDem). Eric Ciotti (LR). Marine Le Pen (FN). Marie-George Buffet (PCF). Jean-Luc Mélenchon (LFI).
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