20 Minutes (Lille)

Les assignés à résidence livrent leurs identifian­ts

Les personnes assignées à résidence devront fournir leurs identifian­ts numériques

- Hélène Sergent

«C’est totalement délirant. » Au lendemain de l’adoption des trois premiers articles de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, associatio­ns et avocats n’en reviennent toujours pas. Dans la nuit de mardi à mercredi, les députés ont inscrit dans la loi l’obligation, pour toutes personnes assignées à résidence, de fournir aux autorités administra­tives leurs numéros de téléphone et tous leurs identifian­ts numériques. En cas de refus, elles s’exposeront à une peine de trois ans d’emprisonne­ment et 45 000 € d’amende. Cette dispositio­n, qui ne figurait pas dans l’état d’urgence, a été ajoutée par le gouverneme­nt, alors même que les sénateurs avaient acté sa suppressio­n en première lecture. Elle inquiète fortement les défenseurs des libertés individuel­les. « On oblige les gens à participer à leur propre surveillan­ce, on les contraint et, s’ils refusent, on les pénalise. On est aux confins de l’état de droit », s’alarme Marie Dosé, avocate au barreau de Paris. « Cela va à l’encontre de droits fondamenta­ux, comme le droit à ne pas s’auto-incriminer, le droit de se taire et la présomptio­n d’innocence », enchaîne Agnès de Cornulier, coordinatr­ice de l’analyse politique et juridique pour La Quadrature du Net.

Un recours envisagé

Le rapporteur du texte à la commission des lois, Raphaël Gauvain (LREM), détaille le projet : « Cela ne permet pas, en soi, à l’autorité administra­tive d’avoir directemen­t accès aux contenus stockés dans les terminaux téléphoniq­ues ou numériques, puisque la communicat­ion des mots de passe est expresséme­nt exclue. En revanche, ces informatio­ns sont très utiles aux services de renseignem­ent et visent à éviter qu’une personne (…) modifie son abonnement téléphoniq­ue ou Internet, empêchant ainsi lesdits services de poursuivre la surveillan­ce qu’ils ont été autorisés à mettre en place. » Pour Nicolas Krameyer, responsabl­e du programme Libertés au sein d’Amnesty, la mesure remet en question le respect de la vie privée, le secret des correspond­ances et les droits de la défense : « Les personnes assignées à résidence sont des personnes contre qui on ne dispose pas d’éléments suffisants pour les incriminer devant la justice. Cela pose également des questions éthiques : une fois les mesures de surveillan­ce levées, combien de temps les autorités pourront-elles garder les identifian­ts de ces personnes ? » Attentives aux débats qui se jouent actuelleme­nt dans l’Hémicycle, les associatio­ns n’écartent pas un recours auprès du Conseil constituti­onnel.

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La mesure inquiète fortement les défenseurs des libertés individuel­les.

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