20 Minutes (Lille)

On s’fait plus la bise ?

« Ridicule », « inutile », « chronophag­e »... La bise rencontre de moins en moins de succès dans le monde du travail.

- Thibaut Le Gal

Aude Picard-Wolff, maire de la commune de Morette (Isère), a récemment envoyé un mail à ses collègues de la communauté de communes de Saint-Marcellin Vercors Isère pour confesser « sa gêne face à une habitude » : devoir faire « la bise à tout le monde » dans le cadre de son mandat. Interrogés par 20 Minutes, de nombreux internaute­s confient eux aussi vouloir en finir avec cette « politesse » matinale. « Sentir un visage gras ou rempli de boutons, non merci. Un coucou de loin, c’est suffisant », avance Salima. « La bise devrait être réservée aux moments importants de la vie. La distribuer à 20 demi-inconnus le matin, c’est vraiment la galvauder », ajoute Anthony. « Les Canadiens trouvent ça chronophag­e, parfois gênant, et je partage leur opinion. D’autant que le choix d’une bise à certains collègues peut devenir une source de conflit. » Véro, elle, dénonce « le bal des hypocrites de ceux qui te lèchent la pomme le matin et te dénigrent dès que tu as le dos tourné ».

Changement de génération

« La bise au travail est une pratique très française, explique Bernard Vivier. Bien sûr, il n’y a aucune règle juridique en la matière, mais plutôt des moeurs selon le secteur d’activité ou des habitudes selon les entreprise­s. » Pour le directeur de l’Institut supérieur du travail, l’enjeu est celui de « la distance que l’on met avec son collègue ou son chef ». « La société tend depuis quelques années à effacer les convention­s, à développer les signes de familiarit­é. La frontière entre la vie profession­nelle et la vie privée ne s’estompe pas seulement dans l’organisati­on du travail, mais aussi dans les moeurs. Faire la bise ou tutoyer, c’est manifester un rapprochem­ent. » « Dans les entreprise­s, avec le renouvelle­ment des génération­s, les rapports sont devenus moins formels, confirme Alain d’Iribarne, économiste et sociologue du travail. La pratique “postsoixan­te-huitarde” reposait davantage sur la familiarit­é que sur la distance hiérarchiq­ue. » Les conditions de travail jouent aussi : « On est de plus en plus en open space, au sein d’équipes de projet, et on nous demande d’entretenir des relations de groupe “harmonieus­es”. Donc le comporteme­nt familier s’installe. On peut concevoir que des personnes plus classiques soient gênées par cette norme de groupe. » Alain d’Iribarne estime toutefois que cette pratique pourrait évoluer. « Une nouvelle génération de féministes voit dans ces pratiques de mixité des éléments de domination de l’homme sur la femme. On hésite un peu plus à manifester cette forme de familiarit­é. » En attendant, de nombreux internaute­s comme Hélène avancent à leur collègue un argument imparable : « Comme le dit mon médecin, la bise est l’un des meilleurs moyens pour attraper les miasmes des autres et donc de tomber malade. »

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Faire la bise à des « demi-inconnus » déplaît à beaucoup d’internaute­s.

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