Le doigt de trop
Blague de potache pour ses adeptes, agression sexuelle aux yeux de la loi, mettre un doigt dans les fesses de son camarade n’a rien d’anodin.
«On ne peut pas parler de victime », puisque « tout le monde trouve ça marrant ». Lorsqu’on interroge les ados sur ce qu’ils pensent du « jeu de l’olive », qui consiste à mettre un doigt dans les fesses d’un camarade pardessus ses vêtements, nombreux sont ceux qui le jugent inoffensif. La justice, elle, ne voit pas la pratique du même oeil (lire ci-contre). Ni les établissements scolaires, qui peuvent infliger « des sanctions disciplinaires allant jusqu’à l’exclusion définitive », indique Valérie Piau, avocate en droit de l’éducation et auteure de l’ouvrage Le Guide Piau, les droits des élèves et des parents d’élèves (éd. L’Etudiant). « J’assiste à des conseils de discipline dans les beaux quartiers impliquant parfois des gamines de 12 ans qui se livrent à des fellations pour un pari. J’ai aussi eu vent d’adolescents qui se sont “amusés” à “jouer” à l’affaire Théo, déplore Valérie Piau. Beaucoup n’ont aucune conscience de la gravité de ce qu’ils font, ni de ce qu’ils font subir à d’autres : il y a une incroyable banalisation de ces faits. » Toutefois, « il existe déjà de nombreux dispositifs de sensibilisation des élèves à des phénomènes comme le harcèlement à l’école », souligne Frédérique Rolet, professeure et secrétaire générale du Snes-FSU, syndicat national des enseignements de second degré. Dans son établissement, par exemple, l’infirmière scolaire a piloté une campagne de sensibilisation sur le respect physique et psychologique de l’autre, accompagnée des personnels de vie scolaire, notamment les CPE. Les opérations ponctuelles, à l’appréciation de chaque établissement, peuvent-elles suffire ? « Il faut déterminer des orientations nationales », concède Frédérique Rolet, évoquant une semaine axée sur la prévention d’un phénomène en particulier, avec des acteurs de la justice, qui rappellent la gravité de faits que certains considèrent comme un simple jeu. Reconnue d’utilité publique, l’association Initiadroit oeuvre déjà dans ce sens. « Les chefs d’établissement et les professeurs font appel à nous pour une problématique spécifique, puis nous mettons en place des interventions, des ateliers animés par des avocats », rappelle Lucile Rambert, avocate et présidente de l’association. « S’agissant du jeu de “l’olive”, comme de toute autre forme de violence, de harcèlement et d’incivilité à l’école, il faut plus de répression en cas de passage à l’acte, mais il faut aussi en amont bien plus de prévention », insiste Lucile Rambert. Pour déclencher la prise de conscience, pas de discours théorique. Les avocats bénévoles s’appuient sur la jurisprudence, avec des affaires réelles, illustrant au plus juste la thématique du jour. « En les faisant passer tour à tour du côté de la victime et de son agresseur, en leur parlant à leur niveau, les élèves comprennent très bien la portée de tels actes, la nuisance et la détresse psychologique que cela peut engendrer », insiste l’avocate.
« Il faut plus de répression en cas de passage à l’acte, et plus de prévention en amont. » Lucile Rambert, avocate