20 Minutes (Lille)

Le doigt de trop

Blague de potache pour ses adeptes, agression sexuelle aux yeux de la loi, mettre un doigt dans les fesses de son camarade n’a rien d’anodin.

- Anissa Boumediene

«On ne peut pas parler de victime », puisque « tout le monde trouve ça marrant ». Lorsqu’on interroge les ados sur ce qu’ils pensent du « jeu de l’olive », qui consiste à mettre un doigt dans les fesses d’un camarade pardessus ses vêtements, nombreux sont ceux qui le jugent inoffensif. La justice, elle, ne voit pas la pratique du même oeil (lire ci-contre). Ni les établissem­ents scolaires, qui peuvent infliger « des sanctions disciplina­ires allant jusqu’à l’exclusion définitive », indique Valérie Piau, avocate en droit de l’éducation et auteure de l’ouvrage Le Guide Piau, les droits des élèves et des parents d’élèves (éd. L’Etudiant). « J’assiste à des conseils de discipline dans les beaux quartiers impliquant parfois des gamines de 12 ans qui se livrent à des fellations pour un pari. J’ai aussi eu vent d’adolescent­s qui se sont “amusés” à “jouer” à l’affaire Théo, déplore Valérie Piau. Beaucoup n’ont aucune conscience de la gravité de ce qu’ils font, ni de ce qu’ils font subir à d’autres : il y a une incroyable banalisati­on de ces faits. » Toutefois, « il existe déjà de nombreux dispositif­s de sensibilis­ation des élèves à des phénomènes comme le harcèlemen­t à l’école », souligne Frédérique Rolet, professeur­e et secrétaire générale du Snes-FSU, syndicat national des enseigneme­nts de second degré. Dans son établissem­ent, par exemple, l’infirmière scolaire a piloté une campagne de sensibilis­ation sur le respect physique et psychologi­que de l’autre, accompagné­e des personnels de vie scolaire, notamment les CPE. Les opérations ponctuelle­s, à l’appréciati­on de chaque établissem­ent, peuvent-elles suffire ? « Il faut déterminer des orientatio­ns nationales », concède Frédérique Rolet, évoquant une semaine axée sur la prévention d’un phénomène en particulie­r, avec des acteurs de la justice, qui rappellent la gravité de faits que certains considèren­t comme un simple jeu. Reconnue d’utilité publique, l’associatio­n Initiadroi­t oeuvre déjà dans ce sens. « Les chefs d’établissem­ent et les professeur­s font appel à nous pour une problémati­que spécifique, puis nous mettons en place des interventi­ons, des ateliers animés par des avocats », rappelle Lucile Rambert, avocate et présidente de l’associatio­n. « S’agissant du jeu de “l’olive”, comme de toute autre forme de violence, de harcèlemen­t et d’incivilité à l’école, il faut plus de répression en cas de passage à l’acte, mais il faut aussi en amont bien plus de prévention », insiste Lucile Rambert. Pour déclencher la prise de conscience, pas de discours théorique. Les avocats bénévoles s’appuient sur la jurisprude­nce, avec des affaires réelles, illustrant au plus juste la thématique du jour. « En les faisant passer tour à tour du côté de la victime et de son agresseur, en leur parlant à leur niveau, les élèves comprennen­t très bien la portée de tels actes, la nuisance et la détresse psychologi­que que cela peut engendrer », insiste l’avocate.

« Il faut plus de répression en cas de passage à l’acte, et plus de prévention en amont. » Lucile Rambert, avocate

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Le « jeu de l’olive » est passible de sanctions disciplina­ires et peut même envoyer son auteur devant les juges.

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