Les revendications salariales suivent la croissance
L’amélioration de la situation économique n’entraînera pas forcément d’augmentations
Après des années moroses, la bonne croissance observée en 2017 en France (+1,9 %) va-telle se traduire sur les bulletins de paie? Le cabinet Deloitte est plutôt optimiste. Dans son étude parue mardi sur le sujet, il note que « les sociétés prévoient une augmentation [salariale] de 2 %, toutes populations confondues [cadres et non cadres] ». Une première depuis 2011. Sera-t-elle jugée suffisante? Pas pour les syndicats d’Air France-KLM en tout cas.
Alors que l’entreprise a vu son bénéfice progresser de 42 % l’année dernière (1,48 milliard d’euros, dont 588 millions pour la partie française), la quasi-totalité des représentants du personnel appellent à la grève ce jeudi. Les pilotes et les personnels de cabine et au sol réclament une augmentation générale de 6 %, quand la direction propose seulement 1 %, en plus d’augmentations au cas par cas. « Il y a toujours un décalage entre les attentes des salariés et les enveloppes budgétaires prévues par les entreprises, rappelle Jean-Philippe Gouin, associé chez Deloitte. C’est une petite hausse, mais cela veut dire que les entreprises reprennent confiance. »
Pour les négociations, les syndicats français peuvent prendre exemple sur l’Allemagne. Début février, IG Metall, puissant syndicat de la métallurgie, a obtenu une augmentation générale des salaires de 4,3 %, en plus d’un droit à la semaine de vingt-huit heures. « Les revenus des travailleurs doivent suivre la hausse du coût de la vie et le développement économique », a estimé Marlis Tepe, leader du principal syndicat d’enseignants en Allemagne, qui réclame aussi une hausse de la rémunération des fonctionnaires.
« Ce ne sont pas les mêmes circonstances qu’en France, rappelle Denis Ferrand, économiste et directeur général de Coe-Rexecode. En Allemagne, le taux de chômage est bas, et de nombreuses entreprises ne peuvent pas augmenter leur production, faute de personnel. »
Autre différence : en France, les hausses générales sont plus maigres. « Les augmentations sont de plus en plus individualisées, poursuit Jean-Philippe Gouin. Plutôt que de faire du saupoudrage, les entreprises vont préférer augmenter largement leurs meilleurs salariés, quitte à donner beaucoup moins, voire rien du tout, aux autres. » Face à des salariés qui pourraient se sentir dévalorisés, les employeurs pourront jouer sur d’autres arguments, « comme l’intéressement ou l’amélioration de la qualité de vie au travail ». Pas forcément de quoi convaincre ceux qui n’ont pas eu d’augmentation…