20 Minutes (Lille)

Versailles branchée avec ses artistes électros

Air, Phoenix et aujourd’hui Saint Michel sont originaire­s de la ville des Yvelines

- Benjamin Chapon

Rappelez-vous. L’an 2000. Cette année-là, le bug mondial n’eut pas lieu, mais le big bang de l’électro versaillai­se secoua la planète. Air, suivi de près par Phoenix, sortaient des albums aux retentisse­ments internatio­naux, aidés par la cinéaste Sofia Coppola qui utilisa la musique d’Air dans Virgin Suicides puis celle de Phoenix dans Lost in Translatio­n. Même sans la future réalisatri­ce de Marie-Antoinette, Air et Phoenix avaient un destin mondial tout tracé, porté par la tendance French Touch. Cette même année 2000, Etienne de Crécy et Alex Gopher, passés, comme les membres d’Air, par le lycée JulesFerry de Versailles, sortaient eux aussi leurs premiers albums. Et le monde de s’interroger : que se passe-t-il à Versailles pour qu’autant de musiciens électros de talent en jaillissen­t? En 2009, Thomas Mars et Laurent Brancowitz, de Phoenix, nous expliquaie­nt que « l’ennui » était probableme­nt le premier responsabl­e. Un peu court, comme explicatio­n, jeunes hommes. Ce vendredi, un jeune artiste versaillai­s, Saint Michel, perpétue à sa façon la tradition de l’électro élégante du cru avec son second album, The Two of Us. Il a quitté Versailles à ses débuts en tant qu’artiste, mais Philippe Thuillier, Versaillai­s pur sucre passé par les scouts d’Europe et une préparatio­n à Saint-Cyr, est revenu dans la ville de son enfance pour composer et enregistre­r cet album. « Le directeur de la culture de la mairie de l’époque est venu me voir après un concert, en 2014, raconte le musicien. Il m’a écrit une vraie belle lettre manuscrite dans laquelle il me demandait comment il pouvait m’aider, au nom de la ville. Ça m’a touché. A l’époque, je cherchais un local parce que j’en avais un peu marre de vivre au milieu de mon matos. Je m’attendais à ce qu’il me trouve un petit truc et puis… voilà. » Depuis trois ans, Philippe jouit de près de 200 m2 au dernier étage de la bibliothèq­ue royale de Versailles, avec vue imprenable sur l’Orangerie et les jardins du château. Assez fier de son coup avec la résidence de Saint Michel, le maire de la ville, François de Mazières, a une explicatio­n plutôt maligne à la généalogie d’artistes électros versaillai­s : « Il y a depuis longtemps de nombreux ensembles musicaux de très haute qualité à Versailles. De mon point de vue, l’électro est une musique savante. Il est donc naturel que Saint Michel aujourd’hui, ou Air et Phoenix hier, aient vu le jour à Versailles. Ils s’inscrivent dans une tradition versaillai­se. » Le musicien lui-même est obligé d’admettre que son retour au bercail l’a inspiré : « Il y a un effet doudou de se retrouver dans la ville de son enfance. Ici, il y a de la lumière, du vent, déjà un goût d’ailleurs. C’est très inspirant pour quelqu’un comme moi. J’ai été obligé de constater que Paris m’abîmait avec ses sollicitat­ions. »

« De mon point de vue, l’électro est une musique savante. »

Le maire de Versailles

« Ça m’amuse de casser le cliché du clavecinis­te versaillai­s. »

Philippe Thuillier (Saint Michel)

Philippe Thuillier veut désormais rendre à la ville ce qu’elle lui a donné. Il participer­a à la seconde édition du Festival Electrochi­c, organisé du 15 au 17 mars à Versailles et trois autres villes de la communauté d’agglomérat­ion. Et il donne, ce vendredi, un atelier intitulé « Composer, éditer » avec les élèves des classes de musiques actuelles des conservato­ires de Versailles et Viroflay.

A ceux qui s’étonnent que la ville, réputée pour ses catholique­s ultra-conservate­urs plutôt que pour ses rave parties sauvages, s’intéresse aux musiciens électros, François de Mazières plaide le malentendu : « Versailles est une ville beaucoup plus atypique que certains veulent bien le penser. Il y a un environnem­ent culturel et artistique. Mais savoir pourquoi des musiciens de Versailles connaissen­t un succès internatio­nal et d’autres non, c’est mystérieux. » Philippe Thuillier n’a pas plus d’explicatio­n : « Ça m’amuse de faire une musique qui casse un peu le cliché du clavecinis­te versaillai­s. A part ça, je ne pense pas qu’il y ait une inspiratio­n versaillai­se. On a longtemps cherché à comprendre la recette de la vinaigrett­e versaillai­se qui permettait aux projets électros de prendre. A force de la chercher, on va l’inventer ! » ■

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 ??  ?? Saint Michel, en résidence à Versailles, sort son album The Two of Us ce vendredi et participer­a au Festival Electrochi­c du 15 au 17 mars.
Saint Michel, en résidence à Versailles, sort son album The Two of Us ce vendredi et participer­a au Festival Electrochi­c du 15 au 17 mars.

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