La biodiversité sous-médiatisée
Ces enjeux sont moins couverts par les médias que ceux sur le changement climatique
On connaît bien aujourd’hui le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), qui se charge de fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques sur le sujet. Mais qui sait que le Giec a, depuis 2012, un cousin, tourné, lui, vers la biodiversité ? Il s’agit de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes), qui se réunit en congrès à partir du 17 mars à Medellin (Colombie). L’événement est, jusqu’à présent, passé sous les radars médiatiques. Et ce n’est pas vraiment une surprise.
Dans une étude franco-canadienne pilotée par Pierre Legagneux, du Centre d’études biologiques de Chizé (DeuxSèvres), des chercheurs rendent compte de l’écart existant entre la couverture par les médias des enjeux liés au changement climatique et celle des enjeux liés à la préservation de la biodiversité. Ainsi, entre 1991 et 2016, les premiers auraient été relayés 3,3 fois plus souvent que les seconds (et jusqu’à 8 fois plus la dernière année).
Effets locaux, non globaux
Les chercheurs avancent plusieurs explications à cette sous-médiatisation de la problématique biodiversité. Tout d’abord, la relative jeunesse de l’Ipbes, née il y a six ans alors que le Giec, lui, a été créé en 1988. Mais aussi les grands rendez-vous institutionnalisés, comme les Conférences sur le climat des Nations unies (COP), ou les catastrophes naturelles et événements météorologiques extrêmes (l’ouragan Irma, par exemple, qui a dévasté les Antilles en septembre), pèsent lourd. Toutefois, tout ne se résume pas à la com. Jean-François Silvain, président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), rappelle, tout comme le fait l’étude, que les effets du changement climatique sont globaux et ressentis directement par le public. A l’inverse, les mécanismes impliqués dans la biodiversité sont locaux et ne deviennent un problème global que lorsqu’on les additionne. « La destruction de forêts en Asie pour en faire des plantations de palmiers à huile n’a pas d’incidence sur le quotidien des Européens qui importent cette huile de palme. » Néanmoins, insiste-t-il, « les deux enjeux sont liés », d’où l’importance de mettre davantage en lumière la biodiversité. L’étude dirigée par Pierre Legagneux préconise d’ailleurs de créer plus d’événements médiatiques autour des découvertes sur le sujet, ou encore de favoriser le dialogue et la réflexion entre experts et non-experts, plutôt qu’une communication unilatérale et descendante. ■