20 Minutes (Lille)

La biodiversi­té sous-médiatisée

Ces enjeux sont moins couverts par les médias que ceux sur le changement climatique

- Fabrice Pouliquen

On connaît bien aujourd’hui le Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat (Giec), qui se charge de fournir des évaluation­s détaillées de l’état des connaissan­ces scientifiq­ues sur le sujet. Mais qui sait que le Giec a, depuis 2012, un cousin, tourné, lui, vers la biodiversi­té ? Il s’agit de la Plateforme intergouve­rnementale scientifiq­ue et politique sur la biodiversi­té et les services écosystémi­ques (Ipbes), qui se réunit en congrès à partir du 17 mars à Medellin (Colombie). L’événement est, jusqu’à présent, passé sous les radars médiatique­s. Et ce n’est pas vraiment une surprise.

Dans une étude franco-canadienne pilotée par Pierre Legagneux, du Centre d’études biologique­s de Chizé (DeuxSèvres), des chercheurs rendent compte de l’écart existant entre la couverture par les médias des enjeux liés au changement climatique et celle des enjeux liés à la préservati­on de la biodiversi­té. Ainsi, entre 1991 et 2016, les premiers auraient été relayés 3,3 fois plus souvent que les seconds (et jusqu’à 8 fois plus la dernière année).

Effets locaux, non globaux

Les chercheurs avancent plusieurs explicatio­ns à cette sous-médiatisat­ion de la problémati­que biodiversi­té. Tout d’abord, la relative jeunesse de l’Ipbes, née il y a six ans alors que le Giec, lui, a été créé en 1988. Mais aussi les grands rendez-vous institutio­nnalisés, comme les Conférence­s sur le climat des Nations unies (COP), ou les catastroph­es naturelles et événements météorolog­iques extrêmes (l’ouragan Irma, par exemple, qui a dévasté les Antilles en septembre), pèsent lourd. Toutefois, tout ne se résume pas à la com. Jean-François Silvain, président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversi­té (FRB), rappelle, tout comme le fait l’étude, que les effets du changement climatique sont globaux et ressentis directemen­t par le public. A l’inverse, les mécanismes impliqués dans la biodiversi­té sont locaux et ne deviennent un problème global que lorsqu’on les additionne. « La destructio­n de forêts en Asie pour en faire des plantation­s de palmiers à huile n’a pas d’incidence sur le quotidien des Européens qui importent cette huile de palme. » Néanmoins, insiste-t-il, « les deux enjeux sont liés », d’où l’importance de mettre davantage en lumière la biodiversi­té. L’étude dirigée par Pierre Legagneux préconise d’ailleurs de créer plus d’événements médiatique­s autour des découverte­s sur le sujet, ou encore de favoriser le dialogue et la réflexion entre experts et non-experts, plutôt qu’une communicat­ion unilatéral­e et descendant­e. ■

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Des journalist­es ? Non, des touristes dans l’archipel arctique canadien.

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