20 Minutes (Lille)

« Le pays traverse la plus grande crise qu’il ait jamais connue »

Géopolitiq­ue Le chercheur Christophe Ventura analyse la crise migratoire vécue par le pays latino-américain

- Propos recueillis par Fabrice Pouliquen

La crise migratoire vénézuélie­nne éclate au grand jour ces dernières semaines. Selon l’ONU, plus de 1,6 million de ses habitants sont partis depuis 2015, fuyant la pauvreté, l’hyperinfla­tion, les pénuries… Comment le Venezuela en est-il arrivé là ? Christophe Ventura, chercheur à l’Iris (Institut de relations internatio­nales et stratégiqu­es), spécialist­e de la région, évoque cette situation critique.

Le Venezuela est-il aujourd’hui un pays invivable ?

Une partie de la population, celle qui a toujours accès aux dollars, vit correcteme­nt, voire très bien pour certains. Mais globalemen­t, oui, le pays traverse la plus grande crise économique et sociale qu’il ait jamais connue, ce qui explique en partie les flux migratoire­s auxquels on assiste depuis plusieurs années. L’économie n’a plus de sens aujourd’hui au Venezuela, et la monnaie plus aucune valeur. L’inflation est telle que bon nombre de Vénézuélie­ns ne peuvent plus rien se payer.

Comment le pays en est-il arrivé là, alors qu’il dispose des plus grandes réserves de pétrole au monde et qu’il a longtemps été l’un des Etats les plus florissant­s d’Amérique latine ?

La crise est multifacto­rielle. Il y a d’abord l’onde de choc de la crise économique mondiale [2007-2012] qui n’a pas épargné l’Amérique latine. Elle s’est traduite notamment par un effondreme­nt de la demande mondiale en pétrole et une forte chute des cours du baril. Il y a aussi la crise politique à la mort de Hugo Chavez, en mars 2013. Nicolas Maduro [qui était son vice-président] est élu avec difficulté et n’est pas reconnu par une partie de l’opposition. Ce sera le point de départ d’affronteme­nts politiques très forts entre le chavisme et l’opposition.

Le 30 juillet, Nicolas Maduro estimait à deux ans le temps qu’il faudrait pour revenir à la stabilité avant d’annoncer un plan de relance qui entre en vigueur en ce moment… Y croyez-vous ?

Je pense que Nicolas Maduro n’est pas fou et a compris que son pays est au bord de la rupture. Les mesures qu’il a dernièreme­nt prises [la création du bolivar souverain notamment, une monnaie délestée de cinq zéros pour contrer l’hyperinfla­tion] marquent un vrai virage politique. Làdessus, il n’y a aucun doute. Mais rien ne dit que ça va marcher.

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Des migrants vénézuélie­ns sur la route au Pérou, le 26 août.

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