20 Minutes (Lille)

Le modèle des plateforme­s de livraison menacé ?

Livraison à vélo Une décision de la Cour de cassation pourrait pousser les sociétés à revoir leurs rapports avec les auto-entreprene­urs

- Nicolas Raffin

Le monde des plateforme­s numériques s’agite depuis la publicatio­n, mercredi, d’un arrêt de la Cour de Cassation dans lequel elle donne raison à un ancien coursier de Take Eat Easy. Elle estime que le système de sanction de la plateforme et la géolocalis­ation permanente du coursier montraient l’existence d’un lien de subordinat­ion. Pour la cour, le coursier était de fait un salarié.

Une décision qui interroge sur le futur modèle économique des plateforme­s. La plupart fonctionne­nt avec une masse d’auto-entreprene­urs, ce qui leur permet de réduire leurs coûts au maximum, puisqu’elles n’ont pas de cotisation­s sociales à verser. Les travailleu­rs, quant à eux, n’ont ni assurance-chômage ni retraite.

« La décision de la Cour de Cassation, c’est une bombe, estime Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des autoentrep­reneurs (FEDAE). La requalific­ation de tous les auto-entreprene­urs en salariés ne fera que des perdants. D’abord, les travailleu­rs eux-mêmes, puisque les plateforme­s n’auront pas les moyens de leur offrir des CDI. Ensuite, les plateforme­s ne pourront pas supporter les coûts et disparaîtr­ont. Enfin, les consommate­urs seront lésés, car ils ont massivemen­t adopté ces services. »

« Mettre la pression »

Les plateforme­s, elles, préfèrent temporiser. «Nous allons prendre le temps d’étudier les conséquenc­es de cette décision qui concerne Take Eat Easy [aujourd’hui disparue], indique en off le représenta­nt d’un grand acteur du numérique. Nous notons qu’elle se fonde sur la pratique de Take Eat Easy de sanction en cas de non-respect de créneaux horaires de travail.» C’est aussi la lecture qu’en fait Olivier Angotti, avocat associé chez Jeantet et spécialist­e du droit du travail. «C’est un avertissem­ent qui est donné aux plateforme­s : elles ne peuvent plus infantilis­er les livreurs et leur imposer un système de sanction trop puissant.» Toutefois, «tous les coursiers ne veulent pas devenir des salariés, prévient Edouard Bernasse, secrétaire général du Collectif des livreurs autonomes de Paris (Clap). Ils tiennent à garder une certaine flexibilit­é. Ce dont on ne veut plus, c’est d’un donneur d’ordre qui organise tout seul les conditions de travail.» Tous les acteurs sont d’ailleurs en pleine négociatio­n pour faire évoluer la législatio­n. Une « charte sociale » visant à offrir des droits élargis aux travailleu­rs des plateforme­s avait été incluse dans la loi Avenir profession­nel votée en août. Mais la dispositio­n avait été retoquée pour un motif de forme par le Conseil constituti­onnel en septembre. Portée par la majorité, la fameuse « charte » pourrait refaire surface à l’occasion de la loi mobilité, dont l’examen a démarré à l’Assemblée nationale.

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Les droits des coursiers auto-entreprene­urs pourraient être étendus.

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