Les créateurs du film interactif livrent leurs secrets
Fiction Le scénariste Charlie Brooker et la productrice Annabel Jones évoquent «Black Mirror, Bandersnatch»
Un objet filmique non identifié. Alors que Black Mirror, Bandersnatch, le film interactif adapté de la série d’anthologie « Black Mirror », est sorti sur Netflix le 28 décembre, certains fans tentent encore de débloquer ses fins multiples. 20 Minutes a rencontré à Londres ses créateurs, le scénariste Charlie Brooker et la productrice Annabel Jones.
Comment est née l’idée d’un format interactif autour de « Black Mirror » ?
Annabel Jones : Les gens de Netflix nous avaient parlé des programmes interactifs qu’ils développaient, notamment pour les enfants. Ils voulaient passer au niveau supérieur et expliquaient que « Black Mirror » serait parfait pour cela. On s’est dit : « Jamais de la vie ! » On avait peur que cela fasse gadget.
Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
A.J. : Charlie [Brooker] est arrivé avec une idée qui ne pouvait presque se raconter qu’avec de l’interactivité. Charlie Brooker : La clé a été de se dire : « Et si on faisait une histoire où l’on contrôle quelqu’un qui écrit un jeu du type “Vous êtes le héros” ? » Et puis : « Et s’il devenait conscient d’être sous contrôle ? » On s’est dit que le spectateur deviendrait complice, et puis tout est devenu compliqué ! (Rires.)
Changeriez-vous des choses si c’était à refaire ?
C.B. : A un moment, Stefan [Butler, qu’interprète Fionn Whitehead] met la cassette du documentaire dans le magnétoscope. J’aurais aimé qu’il y ait une option qui permette de choisir un autre film et de pouvoir le voir en entier. Cela aurait été marrant.
A.J. : Si on pouvait remonter dans le temps, on ne le referait sans doute pas, cela a été si difficile. Mais je suis vraiment contente du résultat.
Qu’est-ce qui a été si difficile ?
C.B. : Tout, et dès le début. On a commencé par mettre quelques idées sur un tableau blanc. Il a vite fallu un plus grand tableau. On a travaillé avec un logiciel de création d’organigramme. Il fallait quelque chose de plus élaboré. Netflix nous a parlé du logiciel de programmation Twine et là, je me suis dit : « Merde, je suis trop vieux pour ça ! » J’ai dû apprendre.
A.J. : En même temps, les équipes techniques de Netflix nous expliquaient ce qu’il était possible de réaliser. Alors, on a essayé de trouver les idées narratives les plus dingues. On leur a dit qu’on ne voulait pas d’un récit linéaire ramifié, mais qu’on voulait pouvoir revenir en arrière et que cela ouvre de nouvelles possibilités.
Quelles références aviez-vous en tête en réalisant Bandersnatch ?
C.B. : On a beaucoup discuté d’Un jour sans fin, parce que le scénario était délibérément conçu pour qu’on revienne toujours au début de la journée. A.J. : On a aussi puisé dans l’histoire de la naissance de l’industrie britannique du jeu vidéo.
Bandersnatch fait référence à d’autres épisodes de « Black Mirror »…
C.B. : On nous demande souvent si « Black Mirror » se déroule dans un univers partagé, parce qu’il y a certaine références communes entre les épisodes. Bandersnatch est en quelque sorte une préquelle, mais aussi quelque chose qui se situe en plein milieu.
A.J. : Ne l’écoutez pas, il dit n’importe quoi.
Bandersnatch marque-t-il un tournant dans l’industrie du divertissement ?
C.B. : Ce n’est pas à nous d’en juger. Le film interactif n’est pas nouveau, il est apparu vers 1983. Bandersnatch a été conçu pour une plateforme qui n’est pas conçue pour ça, par des gens qui ne sont pas des programmeurs et des spectateurs qui ne sont pas des « gamers ». A.J. : Ce qui est nouveau, c’est le côté grand public.
Pensez-vous que le film interactif puisse représenter le futur du divertissement ?
C.B. : Je crois que le film interactif coexistera avec les livres, les films, les séries et les jeux vidéo.
Bandersnatch a lancé un débat sur ce qui constitue une fin. A quoi aimeriez-vous que la fin de « Black Mirror » ressemble ?
A.J. : A quelque chose de rapide et sans douleur.
«On a essayé de trouver les idées narratives les plus dingues. » Annabel Jones
« “Bandersnatch” est en quelque sorte une préquelle de “Black Mirror”.» Charlie Brooker