En Gironde, près du péage de Virsac, la voiture et le train cristallisent les frustrations
En Gironde, la colère des « gilets jaunes » s’est focalisée sur les transports
Dans le sillage du grand débat national, lancé par le gouvernement pour répondre à la crise des « gilets jaunes », 20 Minutes donne la parole aux acteurs de ce mouvement inédit, désormais confrontés à cette même problématique : rester visibles. A Mantes-la-Jolie, Toulouse, Saint-Dizier… La série se décline en huit reportages publiés chaque vendredi jusqu’au 8 mars.
A 7h30, sur la rocade de Bordeaux (Gironde), c’est le début de l’heure de pointe. Et du calvaire. Plus le trafic s’intensifie, plus le GPS repousse l’horaire d’arrivée à Virsac, 30 km plus au nord. C’est là que, dès le 17 novembre, s’est dressé un bastion de «gilets jaunes». Leur colère, née de la hausse des taxes sur le carburant, a trouvé un écho assez fort dans cette région rurale et viticole, où la voiture est, souvent, indispensable. Le 19 novembre, le péage de Virsac a été incendié. «C’est l’un des plus importants de la région, avance Lionel, 46 ans, “gilet jaune” de la première heure. Venant de Paris, c’est un gros budget.» L’entrepreneur roule 65000 km par an. «Le mot d’ordre [du début du mouvement], c’était le gasoil. Les deux pleins par semaine, le prix du péage, j’ose même plus faire le calcul.» Essence, péages, entretien… La voiture cristallise les frustrations. Ce ras-le-bol transpire dans les cahiers de doléances de la ville de Saint-André-de-Cubzac, à 5 km de Virsac. Un habitant y demande, par exemple, une aide à la mobilité «pour les personnes qui habitent loin de leur lieu de travail». «Plus de 70% de nouveaux arrivants ont quitté Bordeaux pour accéder à la propriété dans le nord de la Gironde, explique la maire, Célia Monseigne (PS). Ce sont de jeunes ménages avec enfants, des ouvriers, des employés.» Habitants de longue date ou non, tous ont une anecdote sur leur galère dans les transports. Il y a MarieCaroline, qui vit sur l’A10, «la route des bouchons», et qui prévient qu’elle ne sera «jamais à l’heure». Il y a Laure, qui petit-déjeune dans sa voiture. Il y a ces garderies qui ferment plus tard pour attendre le retour de parents bloqués sur la route.
Indispensable voiture
Au milieu des vignes, que des routes, mais pas d’abris de bus ni de pistes cyclables. «L’obtention du permis est obligatoire», concède Sébastien Zuccolotto, gérant de l’auto-école de Saint-Andréde-Cubzac. Pour Andy, qui, ex-Francilien, est «passé du RER toutes les trois-cinq minutes à un train toutes les trois heures », le temps presse : «Ma femme doit accoucher en avril à Bordeaux, il faut absolument que j’aie mon permis pour me rendre à l’hôpital.» Certaines entreprises se sont adaptées. A Pugnac, Vitigironde prête à ses employés en insertion un scooter. Mais l’entreprise peine aussi à embaucher, en raison de difficultés comme la perte du permis, une panne de voiture… Une éclaircie se dessine pourtant dans le ciel des Girondins. La région annonce l’arrivée d’un RER qui relierait les villes de la métropole sans passer par Bordeaux. D’ici à 2028.