Face-à-face entre Nemmouche et les ex-otages en Syrie
Assises Deux exotages français ont décrit le rôle de Mehdi Nemmouche durant leur captivité
Depuis l’ouverture de son procès, le 10 janvier, dans la capitale belge, Mehdi Nemmouche n’a pas dit un mot, ou si peu. Accusé de la tuerie du Musée juif de Bruxelles, en 2014, le Roubaisien de 33 ans a fait valoir son «droit au silence». A la cour d’assises, il n’a rien livré de son parcours ni de son tempérament. Un vide rempli, jeudi, par les sinistres souvenirs de Nicolas Hénin et de Didier François, entendus en qualité de témoins et qui, pour la première fois depuis cinq ans, ont revu ce geôlier «sadique», «fantasque» et «narcissique». Enlevés par Daesh en 2013 aux côtés des photographes Pierre Torres et Edouard Elias, les deux reporters ont livré le récit brutal et surréaliste de leur captivité. Car oui, ils l’ont répété jeudi, Mehdi Nemmouche, alias «Abou Omar», est bien celui qui les a brutalisés et terrorisés lors de leur détention à Alep, en Syrie. Journaliste au Point lors de son rapt, Nicolas Hénin a minutieusement dépeint ces dix mois : «La tournée des toilettes que nous redoutions le plus était celle du soir, menée par les djihadistes européens. Il était très fréquent que nous recevions des coups, pendant que nous avancions tête baissée, en file indienne, jusqu’aux toilettes (…) Quand cette tournée était finie commençaient les tortures (…) généralement sur des Syriens (…). Nos nuits étaient meublées du bruit des tortures.» Un temps membre de l’équipe chargée de les surveiller, Mehdi Nemmouche prend une place à part dans leur quotidien. Passionné par les faits divers et «Faites entrer l’accusé», fin connaisseur du djihad et du conflit en ex-Yougoslavie, il interagit avec les otages. «Il y avait des moments surréalistes où il faisait des blagues, qui me faisaient parfois rire, raconte Didier François, qui travaillait pour Europe 1. Il me vannait sur la combinaison orange qu’on m’avait donnée : “Ça te va bien ton costard en peau de saumon fumé, mon petit Didier.”» Dans le box, l’accusé toujours muet se gondole, visiblement amusé à l’évocation de ce souvenir commun.
Trahi par son attidude
Prudents, les «gros bras» de Daesh apparaissent presque systématiquement masqués. C’est la voix, les gestes et l’attitude de Mehdi Nemmouche, immortalisés sur les vidéos qui leur sont présentées par les enquêteurs après l’attentat du Musée juif, qui permettront aux exotages de l’identifier. Convaincu du caractère prémédité de cet attentat, Didier François s’est justifié : «Il parlait beaucoup de Mohamed Merah (…) et avait des flambées antisémites : il disait qu’il avait “envie de fumer une petite israélite avec un calibre”.» Son confrère estime que Mehdi Nemmouche a, petit à petit, et sous leurs yeux, «construit» son parcours criminel : «Il connaissait les avocats pénalistes, les jaugeait et parlait déjà de son procès. Il était ravi qu’on soit témoin de cette “aventure”.» Inspiré, l’accusé lui a lancé un jour au fond de sa cellule : «Et toi, tu seras témoin à mon procès!» Le face-à-face a bien eu lieu.